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Gilets Jaunes : la France atomisée

Le mouvement se poursuit. Les «gilets jaunes», après leur coup d’éclat de samedi, s’accrochent et souhaitent que le gouvernement fasse un geste pour «réduire les taxes», notamment celles concernant le carburant. Les barrages filtrants et les opérations escargot ont encore touché nos voisins français hier. Combien de temps cela va-t-il durer? Nul ne le sait. La mobilisation des «gilets jaunes» n’est encadrée par aucun syndicat ni parti politique, même si certains ont vite tenté de récupérer ce mouvement de protestation populaire. Tout s’est joué sur les réseaux sociaux qui ont fait l’effet d’une caisse de résonance pour rassembler les volontaires et organiser les barrages.
Soyons clair, les rassemblements ont été majoritairement calmes depuis samedi. Mais de terribles violences sur ces barrages filtrants improvisés ont aussi eu lieu. Et ont de quoi choquer. Cela en dit long sur la relation actuelle entre les Français. Jacques Chirac avait parlé de fracture sociale. Non, c’est pire. Ces derniers jours, certains gilets n’ont pas hésité à se comporter en véritable milice, en coupeurs de route. Propos racistes pour le conducteur ou la conductrice qui n’avait pas la bonne couleur de peau ou la bonne religion, obligation aux automobilistes pris en otage d’arborer le gilet jaune s’ils voulaient passer les barrages, menaces et violences pour ceux qui protestaient. Autre exemple : «identifié» comme homosexuel par un gilet jaune, un automobiliste a été molesté et a vu son véhicule endommagé par la foule en furie à Bourg-en-Bresse.
Les scènes à ces barrages montrent qu’il y a bien plus qu’un problème de taxes ou de relation entre gouvernants et gouvernés dans le pays. La France n’est plus divisée, elle est aujourd’hui atomisée. L’adversaire n’est plus le parti d’en face, mais le voisin qui ne vit pas comme il faudrait, qui gagne trop, qui ne gagne pas assez… Car ceux qui rejettent les «gilets jaunes» ne sont pas tendres avec eux non plus. Il suffit de se rendre sur les réseaux sociaux pour s’en rendre compte. Plusieurs «France» qui cohabitaient semblent aujourd’hui irréconciliables. Gare à la prochaine étape.

Laurent Duraisin