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Gafa : Macron n’est pas prophète

Nul n’est prophète en son pays et sans doute son escapade luxembourgeoise aura-t-elle permis jeudi à Emmanuel Macron d’oublier qu’il l’est de moins en moins en France où il accumule déconvenues politiques et casseroles. Avant même son élection, le président «marcheur» entretenait des liens étroits avec Xavier Bettel et son homologue belge, Charles Michel, les trois hommes partageant une sensibilité libérale évidente et l’appartenance à une génération ayant tôt fait de conquérir le pouvoir. Cela avait aussi été le cas en 2010 de Mark Rutte, Premier ministre néerlandais et quatrième participant à la réunion qui s’est tenue à Bourglinster.
À l’issue de leur entrevue, le président français et les trois chefs de gouvernement du Benelux ont réitéré leur dévotion à la construction européenne et leur condamnation de la démagogie nationaliste. Bref, ils assument pleinement le qualificatif de «progressistes» dont les affuble Matteo Salvini, l’inquiétant leader italien d’extrême droite. S’il n’est pas sans risque électoral, ce positionnement sur de nobles principes n’est pas très coûteux, voire est déconnecté de la réalité, la France étant par exemple piètre élève dans l’accueil des migrants.
Plus concrètement, Xavier Bettel a lâché du lest sur la taxation des géants du numérique. Il a ces derniers mois martelé tout le mal qu’il pense du projet de la Commission européenne autorisant les États à taxer les GAFA sur leur chiffre d’affaires plutôt que sur les bénéfices qu’ils délocalisent vers des pays à fiscalité réduite comme… le Luxembourg, la Belgique ou les Pays-Bas. Le Premier ministre n’adhère certes pas pleinement à l’idée mais y consent si elle est «limitée dans le temps». À terme, il souhaite un accord global au nom de la sauvegarde de la «compétitivité européenne». Mais il serait précipité de penser qu’Emmanuel Macron, ardent défenseur du projet, ait su être prophète au Benelux, tant la concession est homéopathique. L’injustice sociale et les inégalités en découlant sont l’un des carburants de l’autoritarisme et de la xénophobie qui embrasent la maison européenne. Éteindre l’incendie appelle des réponses d’ampleur et non une politique des «petits pas» et de la communication dont les effets sont plus dévastateurs que salvateurs.

Fabien Grasser