Il faut apporter un discours clair aux frontaliers sur le télétravail. C’était chouette, de les remercier à la fête nationale, non sans émotion. Mais concrètement, après l’été ? Les frontaliers seront-ils privés d’un télétravail facilité? Le télétravail bien pensé permet aux parents seuls – souvent des femmes – de mieux gérer leur semaine. Il est écolo, il force à un management moderne, il décuple l’efficacité en évitant la perte d’énergie sur la route. Toutes les autres métropoles vont s’y mettre, pendant que Luxembourg sera à la traîne pour des questions de crispations fiscales entre États. Quarante-six pour cent des actifs du pays sont frontaliers !
Qu’est-ce qui bloque, précisément ? Le gouvernement luxembourgeois, il faut le dire tout net. Il sous-entend aux frontaliers : «Les gouvernements voisins ne veulent pas relever les paliers fiscaux à 50 jours par an, la mauvaise volonté n’est pas chez nous!» Or les pays voisins ont toute la légitimité de ne pas revoir ces fameux paliers, rappelons-le, à partir desquels l’impôt sur le revenu des frontaliers va dans leur caisse, pour chaque jour dépassé. Ces paliers limitent l’érosion fiscale qu’ils subissent, pour des actifs à la charge de leur territoire. Les Belges ne s’y étaient pas trompés, avant la crise, en négociant le relèvement des 24 jours qu’à la condition d’un nouveau retour fiscal. À quoi sert l’impôt, sinon à s’occuper des gens qui vivent sur son territoire? Le gouvernement Bettel n’avait rien lâché. Nous venions de voter un budget d’État 2020 record, le «budget du bien-être», mais il fallait rester glouton jusqu’au bout avec les voisins.
Le fisc belge, qui souffle à l’oreille de Bruxelles, n’a aucune raison de fléchir. Paris non plus, Berlin encore moins. En refusant de s’attaquer au débat des retours fiscaux (peu importe la forme), Luxembourg ne laisse qu’une issue à ses frontaliers : la gymnastique fiscale entre deux États, que nous décrivons dans notre dossier. Ce n’est «pas compliqué». Mais quelle fracture affligeante avec les travailleurs résidents.
Hubert Gamelon