La scène est invraisemblable. Une fois de plus. Mercredi, dans le Bureau ovale, Donald Trump s’est emporté contre une de nos consœurs. Au contraire de bon nombre de pseudo-journalistes, entièrement acquis à la cause du président, Mary Bruce a posé des questions tranchantes au moment où Trump accueillait en fanfare Mohammed ben Salmane, le prince héritier saoudien. Celui qui est appelé «MBS» a ordonné, en 2018, l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi, qui a notamment travaillé pour le Washington Post.
Comme le veut la déontologie journalistique, Mary Bruce a remarquablement fait son job, en interpellant d’une voix ferme Trump et ben Salmane sur le sort réservé à Jamal Khashoggi, sur les liens de la famille du président avec la monarchie du Golfe ou encore sur l’affaire Epstein. Elle s’est adressée au prince héritier saoudien avec les mots suivants : «Votre Altesse Royale, les services de renseignement américains ont conclu que vous avez orchestré le meurtre brutal d’un journaliste. Les familles des victimes du 11-Septembre sont furieuses de votre présence dans le Bureau ovale. Pourquoi les Américains devraient-ils vous faire confiance? Et à vous aussi, Monsieur le président.»
C’est à ce moment que Donald Trump est sorti de sa boîte. Il a défendu sans sourciller les actes de son ami MBS, avant de balancer sa rhétorique habituelle. Il a qualifié Mary Bruce de «piètre journaliste» travaillant pour ABC News, une chaîne ne propageant que des «fake news», et qui mériterait donc de se voir retirer sa licence de diffusion. Le discours est bien rodé, mais il s’est déjà à plus d’une reprise retourné contre Trump. Il a ainsi échoué à écarter de l’antenne l’humoriste Jimmy Kimmel. Cela ne change rien aux attaques incessantes du président aux allures autoritaires contre la presse. Le 14 novembre, il a lancé à Catherine Lucey, journaliste pour l’agence Bloomberg : «Tais-toi. Tais-toi, la truie!». Une attaque verbale illustrant sa haine contre un journalisme libre, critique et équilibré.
Au moins, se faire traiter de «piètre journaliste» devient une lettre de noblesse, car cette riposte de Trump démontre qu’il se retrouve dos au mur. Nos consœurs et confrères américains peuvent être fiers. Et nous, journalistes luxembourgeois, sommes fiers d’eux.