Forbach. Encore une illustration de l’emballement médiatique qui fait dérailler la machine informationnelle. Ou comment la fascination morbide pour les «faits divers», pourvoyeurs d’audience, pousse à se jeter sur la moindre alerte. Sans aucune précaution ni nécessaire recul. D’autant plus qu’à l’heure du «digital first», il faut foncer tête baissée. Quand il faudrait plutôt la garder froide.
Lundi matin, les premières notifications affolent les téléphones. Les dépêches annoncent : «Une femme d’origine allemande séquestrée depuis 2011, son mari interpellé». L’histoire est reprise partout, immédiatement. Très vite aussi, suivent des détails sordides. Vérifications à moindres frais. «De sources policières», pour le crédit. Des confidences du voisinage, pour l’émotion. Le caractère monstrueux ne fait déjà pas l’ombre d’un doute. On parle ainsi d’un banc de torture, d’une chambre grillagée, d’un carnet répertoriant les sévices infligés à la victime présumée. Pourvu que ce soit glauque, surtout.
Dans la foulée, les agences pondent un pot-pourri de «Séquestration de femmes : des précédents tragiques». Exhumant les dossiers les plus nauséeux. Revoilà Natascha Kampusch, captive d’un déséquilibré pendant huit ans. Et Elisabeth Fritzl, enfermée et violée par son père durant vingt-quatre ans. On s’en va également fouiller les maisons de l’horreur américaines. Pour y trouver des jeunes filles enchaînées dans les caves, entre autres. Autant d’exemples pour établir un lien évident avec ce qu’il se passait entre les murs de l’appartement mosellan.
Au fil de la journée, l’affaire prend une tournure autrement moins spectaculaire. Pas de «Barbe Bleue» ici, affirmera le procureur de la République de Sarreguemines. Rien qui ne permette d’engager des poursuites à l’encontre de l’époux, au vu des éléments d’enquête et des analyses médicales. Le magistrat évoque une situation de «désarroi social» d’un couple vivant en marge. Un drame de la misère humaine, comme il en existe beaucoup. Mais un banal «fait divers», ça ne fait pas couler beaucoup d’encre ni vendre du papier. On oublie que derrière, il y a toujours des victimes. Quelqu’un qui ne sortira pas indemne de tout ce battage. À Forbach, ou ailleurs.
Alexandra Parachini
La responsabilité en incombe en grande partie à agences de presse, et in fine la presse sous toutes ses formes. Qu’elles s’ auto-disciplinent, ne publient pas n’importe quoi, en catastrophe !