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Exil en péril

C’est notre dernier bastion. On le sait inviolable, inaccessible aussi bien aux petites indiscrétions de notre voisin qu’aux grandes oreilles de la NSA.

Et c’est tant mieux. Car on y stocke nos biens les plus précieux, mais aussi certaines choses plus inavouables, qui ne regardent que nous.

La force reste impuissante contre lui. C’est pourquoi il est l’ultime refuge des opprimés, mais aussi l’antre des pires psychopathes. Pour le défendre, il suffit de bâtir d’impénétrables murailles cimentées par le mensonge.

Cet endroit, vous l’avez compris, c’est notre esprit. Pour l’instant, seul Hollywood a osé imaginer un monde où un étranger pourrait y pénétrer. Une perspective qui semble relever de la pure science-fiction. Bien sûr, notre corps et nos actes trahissent parfois nos pensées. Bien sûr, l’hypnose, la psychologie ou encore les détecteurs de mensonge permettent d’interpréter plus ou moins fidèlement ce qui se passe dans notre tête.

Mais imaginez maintenant une machine qui puisse, littéralement, lire dans vos pensées!

Des chercheurs de l’Institut de technologie de Karlsruhe (Allemagne) ont apparemment accompli cet exploit. Ils ont réussi, via un système de synthèse vocale, à entendre la «voix intérieure» de personnes en train de lire un texte. Grâce à des électrodes implantées à la surface du cerveau qui enregistrent les ondes cérébrales, un système d’intelligence artificielle a pu traduire ces ondes en phrases.

La science est une arme à double tranchant. Depuis la domestication du feu jusqu’à celle des atomes, rares sont les progrès qui ne peuvent se retourner contre nous. Ici, les chercheurs estiment que cette méthode pourrait permettre à des personnes privées de parole de se faire entendre. Effectivement. Mais imaginez qu’elle tombe entre de mauvaises mains. Elle pourrait obliger à «parler» des personnes qui préfèreraient se taire. «Personne ne peut envahir la pensée parce que la pensée c’est l’exil et que chacun a l’exil qu’il désire», a dit l’écrivain Sylvain Trudel. Si cet exil disparaît, où va-t-on?

Romain Van Dyck