Accueil | Editoriaux | Europhilie à géométrie variable

Europhilie à géométrie variable

« La Commission européenne sert les intérêts de la Chine ! » «C’est symptomatique d’une certaine idéologie de la Commission qui va à l’encontre des intérêts européens !» Ces tirs à boulets rouges sur Bruxelles proviendraient-ils des «méchants» eurosceptiques et europhobes en tout genre, les Salvini, Le Pen et consorts ?

Non, ce sont les gouvernements allemand et français qui réagissent au refus opposé la semaine dernière par la Commission à la fusion des géants du rail français et allemand Alstom et Siemens. Et les mêmes qui portaient aux nues la commissaire européenne à la Concurrence, Margrethe Vestager, pour sa lutte contre les abus des GAFA en Europe, la clouent désormais au pilori.

Ironie de l’histoire, en France, Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon se sont félicités de la décision de la Commission, se rangeant derrière l’avis des syndicats, qui dénonçaient une fusion purement «politique et financière» et redoutaient accessoirement des milliers de suppressions d’emploi.

Mais enfin, qu’arrivent-ils à nos thuriféraires de l’UE ? La «concurrence libre et non faussée», pierre angulaire de toute l’idéologie économique de l’UE – et au nom de laquelle la Commission a posé son veto à cette fusion – ne serait-elle pas la voie royale qui devrait nous conduire au paradis ? La concurrence n’est-elle pas censée favoriser l’innovation et faire baisser les prix ?

Au lieu de jouer faussement la carte du patriotisme européen sur un cas particulier pour lequel la Commission est dans son bon droit, les dirigeants du Vieux Continent seraient bien avisés de briser un tabou en instillant une dose de protectionnisme dans les traités, à l’instar de ce que peuvent faire la Chine ou les États-Unis avec le «Buy American Act».

Et, surtout, voir le ministre français de l’Économie, Bruno Le Maire, brandir la menace chinoise est incroyablement hypocrite. Ne sait-il pas que son président, lorsqu’il était à son poste sous François Hollande, a validé la privatisation de l’aéroport de Toulouse-Blagnac, qui a abouti à son rachat par un consortium… chinois ?

Nicolas Klein