Une présidence politique de la Commission européenne, trancher avec l’image de technocrates soumis aux lobbys véhiculée par ses prédécesseurs : là était l’ambition de Jean-Claude lors de sa nomination à la tête de l’exécutif européen fin 2014. Plus qu’une option, un impératif face au discrédit profond que suscite une Union européenne donnant le sentiment qu’elle est davantage inféodée aux intérêts économiques particuliers qu’à celui, général, des citoyens.
Intention louable, mais bien peu suivie d’effets durant 18 mois. Il y avait même de quoi désespérer, lorsqu’il y a quelques semaines, Juncker a acquiescé à la nomination à un poste de conseiller auprès de Goldman Sachs de José Manuel Barroso, qui l’avait précédé à Bruxelles pendant dix ans. La banque d’affaires américaine porte pourtant une responsabilité prépondérante dans la crise de la dette grecque, puisqu’elle avait truqué les comptes publics d’Athènes pour dissimuler l’ampleur des déficits. À se demander si le Luxembourgeois saisissait les enjeux auxquels il est tenu alors que l’UE fait face à une crise multidimensionnelle sans précédent.
E t puis, en août, l’inattendu : Bruxelles enjoint à Apple de rembourser treize milliards d’euros au fisc irlandais. Comme si Juncker voulait balayer la salve de critiques que lui a value le fait d’avoir été, pendant des décennies, un champion de la promotion de l’évasion fiscale en Europe. Nouvelle surprise vendredi, quand il demande à la Commission de revoir sa copie sur le roaming, qu’il juge trop peu favorable aux usagers.
Juncker se mettrait-il donc à faire de la politique, ainsi qu’il l’avait promis? L’affirmer serait sans doute prématuré. D’autant qu’il a été rattrapé ces derniers jours par l’affaire Barroso, l’obligeant, hier, à demander des clarifications à ce dernier sur ses attributions chez Goldman Sachs. Dommage pour celui qui martèle depuis tant d’années son attachement à l’idéal européen qu’il ait fallu pour le faire réagir les coups de boutoir répétés de la trop méconnue médiatrice de l’UE, Emily O’Reilly. Ce n’est pas encore salutaire, mais, incontestablement, il y a du mieux.
Fabien Grasser