Accueil | Editoriaux | Et Dieu terrassa Marx et Freud

Et Dieu terrassa Marx et Freud

Les ministres de Macron ont de la suite dans les idées. Tandis que celui de l’Intérieur, Christophe Castaner, exhorte ses bataillons policiers à cogner et ficher les «gilets jaunes», son collègue de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, se charge d’apprendre à leurs rejetons à penser droit, histoire sans doute de ne pas les voir trop vite contester leur politique sur les ronds-points.

Lancé dans des réformes aussi larges que contestées, Blanquer veut bannir du programme du baccalauréat de philosophie les concepts d’inconscient et de travail pour les remplacer par l’étude de «l’idée de Dieu».

Cette idée rend les enseignants aussi perplexes que mécontents. «Nous serons ainsi débarrassés de Marx et de Freud, ces « philosophes du soupçon », et du soupçon lui-même, c’est-à-dire du doute – qui est la matrice et la méthode de la philosophie, et nous pourrons enfin nous livrer tout entiers à la croyance, qui est le principe de la religion», déplore le prof de philo et écrivain David König dans un billet de blog dans lequel il prédit aussi que «la critique du capitalisme sera rendue impossible». De quoi assurément combler les premiers de cordée.

Connaîtront-ils pour autant le bonheur, autre concept balayé du programme par les têtes pensantes du Conseil supérieur des programmes, sous la responsabilité du ministre? Le même David König affirme que son étude permettait aux élèves de faire la différence entre bonheur et plaisir, «distinction qui paraît essentielle dans une société matérialiste où tant de gens comblés sont néanmoins malheureux». À bien le suivre, ce prof privilégie l’esprit et l’émotion aux infinis bienfaits de la consommation effrénée. Ce n’est pas très macronien ça.

Quant à «l’idée de Dieu», le questionnement est entier. De quel Dieu s’agit-il : celui des juifs, des chrétiens, des musulmans ou de… Jupiter, sous le signe duquel Macron inscrit son quinquennat? Mais peut-être trouverons-nous les réponses à nos angoisses profondes dans cette autre proposition de Blanquer visant à associer les concepts de morale et de politique (il est interdit de rire).

Vraiment, il y a des heures de colle qui se perdent. Et encore reste-t-on poli. Philosophe même.

Fabien Grasser