Lionel Messi est peut-être le roi du ballon rond. Mais pour ce qui est de gérer ses ronds sonnants et trébuchants, il fait comme tout le monde : il reste sur le banc et laisse la balle à des experts. Normal : on ne s’improvise pas banquier, avocat fiscaliste, ou expert-comptable.
Alors Messi donne une mission à ces experts : faire fructifier sa montagne d’argent. On le comprend. Car ces experts ont un don exceptionnel : ils connaissent, à la virgule près, toutes les règles du jeu, et ils dribblent comme personne leur principal adversaire, redoutable à domicile : les attaquants bêtes et méchants du fisc.
Hélas, parfois, certains experts ont des gestes pas très sport : comptes en banque ouverts sous un faux nom, hommes de paille, falsification de documents… Mais l’arbitre n’est pas très regardant. «Vendu !», lui crient les adversaires. À ce jeu-là, Messi ne comprend pas grand-chose. De toute façon, la vue du score lui suffit amplement.
Sportifs, chefs d’État, milliardaires, stars… Les célébrités font la une du scandale Panama Papers. Et beaucoup jurent n’avoir rien à voir avec l’antijeu qui est devenu la règle avec ce sport mondial qu’est l’évasion fiscale. C’est peut-être vrai. Ce n’est pas le problème. Ces célébrités sont un peu comme un chiffon doré que l’on agite sous votre nez : cela empêche de voir ce qui se cache derrière. Des «noms écrans», en somme, tellement plus chic et choc qu’une obscure société offshore, ou qu’un article numéro bidule, alinéa machin, du code général des impôts qui propose un aller simplifié vers le paradis fiscal. Avec la bénédiction de l’arbitre, puisque, comme le rappelait mercredi au Quotidien le responsable luxembourgeois du cabinet d’avocats Mossack Fonseca, «tout est complètement légal».
Mais dans le stade, les supporters se font de plus en plus rares. Ils ont l’impression de moins en moins comprendre les règles du jeu. C’est d’autant plus frustrant que le prix du billet d’entrée ne cesse d’augmenter, tandis que leurs nations désargentées se contentent d’une défense de rigueur et d’austérité pendant que des milliards s’envolent vers des paradis pas si lointains…
Romain Van Dyck (rvandyck@lequotidien.lu)