«Pas facile d’avoir vingt ans en 2020», lançait il y a quelques mois le président français, toujours inspiré de formules dont se délecte la sphère politico-médiatique. Ce n’est guère plus facile d’en avoir quarante, soixante ou quatre-vingts en 2021. Bien entendu, on ne doit pas rester sourd ni insensible à la détresse de ces étudiants massés dans des files qui s’étirent devant les banques alimentaires, en quête d’une maigre pitance à avaler entre les quatre murs de leurs studios exigus.
Comme on ne doit pas rester sourd ni insensible au drame de nos aînés, oubliés dans ces tristes chambres médicalisées remplies de solitude. Interdits de tout ce qui rend le quotidien moins ordinaire. Privés d’une pointe de chaleur humaine qui réchauffe pourtant bien des cœurs transis dans la froideur de notre société indifférente. Or, dès le commencement de la crise sanitaire, il a été admis sans honte que le grand âge pouvait être sacrifié au privilège de la jeunesse. Que si les hôpitaux saturaient, il faudrait choisir sans rougir entre la relève qui démarre et les anciens en bout de course. L’avenir au mépris du passé. Après tout, osent d’aucuns, cette épidémie n’emporte que les plus fragiles au crépuscule de leur vie… «Elle a bien vécu», dit-on souvent pour justifier le décès d’une personne âgée. Qu’en sait-on, au juste ? Qui connaît une existence tranquille sans être trimbalé de tourments en souffrances ? «Ce virus est le reflet d’une société malade», dénonçait récemment l’Amicale des personnes retraitées, âgées et solitaires (Amiperas), dans nos colonnes. Malade à tant manquer d’empathie et d’altruisme. Même plus capable d’accorder respect et dignité à ceux qui nous ont tellement donné.
Aux formules creuses des gouvernants de tous bords, préférons cette réflexion autrement plus profonde dans les mots bien mieux inspirés d’un directeur de maison de retraite sur les ondes : «Ma liberté vaut votre liberté, celle des femmes vaut celle des hommes. (…) La liberté des vieux vaut celle des jeunes.» C’est en effet là et seulement là que peut se construire la solidarité entre les générations. Que l’on ait vingt, quarante, soixante ou quatre-vingts ans.
Alexandra Parachini