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Encore un peu de temps

Les avancées en termes de droits humains ne sont jamais quelque chose de complètement acquis. C’est pourquoi les activistes sont vigilants, car même dans les endroits a priori qualifiés de progressistes, les atteintes aux droits humains peuvent se produire. Les Pays-Bas sont un parfait exemple. Le pays est un modèle en matière d’inclusion de la communauté LGBT. En 2001, il a été le premier au monde à légaliser le mariage pour les personnes de même sexe, après de vifs débats. Les Néerlandais sont connus dans le monde entier pour être un peuple ouvert et tolérant, et depuis seize ans que les couples homosexuels peuvent se marier, on aurait pu penser que ces derniers ne susciteraient plus l’émoi en s’affichant dans la rue.

Pourtant, Jasper Vernes-Sewratan et Ronnie Sewratan-Vernes, qui sont en couple, se sont fait attaquer au coupe-boulon par un gang dimanche matin, juste pour ce qu’ils sont. Les victimes ont fait état de l’agression sur les réseaux sociaux et l’éditrice d’un magazine a suggéré qu’en signe de soutien tous les hommes devraient s’afficher main dans la main. Le hashtag #allemannenhandinhand est né. Depuis, des hommes politiques de premier ordre, aux Pays-Bas mais aussi dans les ambassades du monde entier ainsi qu’à l’ONU, se sont affichés main dans la main pour montrer leur solidarité. Des médecins, sportifs, policiers, pompiers leur ont emboîté le pas.

L’image d’hétéros qui se tiennent la main est belle. Elle symbolise l’écart qui reste entre la loi et la réalité de la vie quotidienne pour nombre de couples gays qui restent discrets, même dans un pays comme les Pays-Bas. Évidemment, la reconnaissance officielle des couples gays est encore relativement récente, et il risque de s’écouler un long moment avant que les mentalités changent. Il faudra encore un peu de temps pour que personne ne se retourne sur un couple d’hommes ou de femmes qui se tiennent par la main dans la rue. Encore un peu de temps pour que cela soit banal au point de ne plus susciter ni curiosité ni agressivité. Mais combien de temps encore au juste?

Audrey Somnard