Cachez cette misère que les touristes ne sauraient voir. Ça déménage à Paris. Sans ménagement. À cinq mois des Jeux olympiques, la Ville lumière doit briller. La pauvreté, ça fait tache. La carte postale adressée au monde entier n’est pas encore suffisamment reluisante. Il faut donc récurer les trottoirs des quartiers chics souillés par les sans-abri trop squatteurs, les migrants échoués sous les ponts, les travailleuses du sexe qui font mauvais genre. Le bruit et l’odeur de la précarité ne font pas bon ménage avec l’élégance à la française. Alors les populations vulnérables sont expulsées à tours de bras, ces dernières semaines. Priées d’aller crever de faim et de froid ailleurs. La trêve hivernale ne s’applique pas à ceux que l’on met à la marge. Le respect de la dignité humaine encore moins.
Nombre d’associations dénoncent depuis déjà plusieurs mois ce «nettoyage social» à l’œuvre dans la capitale. C’est qu’il faut faire place bien nette et en coller plein la vue aux étrangers qui vont déferler en masse d’ici l’été. Ceux-là sont les bienvenus. Parce qu’ils feront copieusement tourner le business de l’attrape-couillon. D’ailleurs, pour leur exprimer sa gratitude, la nation veillera à leur confort. En vidant les immeubles qui font face à la Seine, où se dérouleront les épreuves phares. Les propriétaires flanquent leurs locataires à la porte sans préavis. Le nombre de congés pour reprise, afin d’occuper soi-même les lieux ou les mettre à la disposition d’un proche, a bondi de 23 % en un an, selon l’agence départementale du logement. Une mesure légale totalement dévoyée. Les appartements s’arrachent à prix d’or, à travers la vitrine lucrative d’Airbnb. Dans un pays qui recense actuellement 330 000 personnes à la rue, deux fois plus qu’il y a dix ans. Le revers de la médaille tricolore. Sans compter non plus ces milliers d’étudiants virés de leurs chambres sur les campus parisiens, pour y loger le personnel de l’événement.
Quelques militants tentent de faire entendre ces voix inaudibles, sans trouver d’écho auprès des autorités. Plus soucieuses de leur image de marque que des droits citoyens. Rappelons que ces Jeux 2024 sont annoncés comme les plus «inclusifs de l’Histoire».
Alexandra Parachini