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Editorial – Un ami qui nous connait bien

Désolé de prendre à rebrousse-poil l’actualité, mais parfois, notre sacro-sainte liberté d’expression est vraiment… inquiétante.

Prenons le roi des réseaux sociaux, cet « ami » qui nous connaît si bien : Facebook, le site où la révélation de notre vie privée n’est pas une indiscrétion mais un souhait.

Des chercheurs des universités de Cambridge et de Stanford viennent de dévoiler l’un de ses « super-pouvoirs » : Facebook nous connaît mieux que nos amis !

Pour cette étude, les chercheurs ont interrogé 86 220 volontaires sur Facebook, qui ont donné accès à leur « j’aime » (la notification lorsqu’un utilisateur approuve un contenu). Ensuite, en examinant les personnes, objets, marques, etc., que l’usager « aime », un programme informatique a été capable de mieux évaluer leur personnalité que leurs proches, à l’exception cependant du conjoint.

Les résultats révèlent cinq grands traits de caractère : l’ouverture d’esprit, l’extraversion, la conscience, l’amabilité et l’impulsivité. Par exemple, les chercheurs ont déterminé qu' »aimer » Salvador Dali ou la méditation révélait une ouverture d’esprit. Ainsi, il a fallu à l’ordinateur seulement 10 « j’aime » pour être plus pertinent qu’un collègue ; 70 pour faire mieux qu’un ami, et 150 pour un membre de la famille. Seul le conjoint faisait mieux que la machine.

C’est impressionnant, et inquiétant. Notre liberté d’expression 2.0., gravée dans le marbre numérique, vient ainsi alimenter ce que les chercheurs appellent l’intelligence socio-émotionnelle des machines. Ce qui était auparavant le fruit de réflexions philosophiques complexes – décider de ce qui est « meilleur », « pertinent » ou « dangereux » pour nous – est confié peu à peu à des machines. Car ces machines ne se contentent plus d’être plus fortes, ou plus rapides en calcul : grâce aux algorithmes, elles savent désormais juger, choisir et décider pour nous.

Et ce phénomène va s’amplifier, nécessairement, avec la multiplication des objets connectés, friands de données personnelles. Toute la difficulté sera de savoir jusqu’où on va, librement ou non, contribuer à la construction et à l’exploitation de nos clones numériques.

De notre journaliste Romain Van Dyck

> Ecrire à notre journaliste : rvandyck@lequotidien.lu

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