Les cadavres de Charlie Hebdo sont encore fumants.
Pourtant, j’ai passé cette journée à rire et à sourire. Je souris de voir que partout, des milliers de personnes ont participé à des manifestations spontanées. Enfin, cette majorité silencieuse a un visage et une voix qui tonne plus fort que celle d’une minorité de demeurés n’ayant foi que dans la peur. Je ris aussi, en voyant ces milliers de témoignages sur la grande « salle de rédaction » qu’est internet, défier cette peur à grand renfort d’humour et d’amour, de créativité et d’impertinence. Voilà le meilleur hommage que l’on puisse faire à toutes les victimes assassinées. Oui, aujourd’hui, je ris et je souris.
Mais demain ? De nos jours, les minutes de silence sont de plus en plus courtes, tout comme la mémoire… Va-t-on rapidement s’adonner à une vengeance aveugle et destructrice, comme ces fanatiques ? Ou bien va-t-on leur couper l’herbe sous le pied en défendant les valeurs fondamentales ? Va-t-on entendre davantage de voix comme celle du courageux imam de Drancy, admirable hier dans son appel à la paix lors d’un débat télévisé ? Ou bien celles de ses voisins politicards, qui n’ont pas eu la décence de tenir plus de cinq minutes avant de s’écharper au nom de leur parti ?
Et puis, qui va prendre la relève ? Parmi ceux qui invoquent aujourd’hui la France de Voltaire, combien ont défendu, lors de l’affaire des caricatures danoises, l’un des rares journaux qui les avait publiées et qui, à l’époque, ne faisait pas tant l’unanimité ?
Les masques doivent tomber. Ce n’est pas pour rien que la France a reculé au 39e rang de la liberté de la presse. Ce n’est pas pour rien que le « F-haine », qui promet un retour de flamme en 2017, a vu le nombre de ses « amis » Facebook exploser hier. Il n’y a pas de portrait-robot des assassins de la liberté : ils peuvent être barbus, en col blanc, sur les bancs de l’assemblée, à côté de nous, en nous !
Et non, hélas non, ces assassins n’ont pas « rendu Charlie immortel ». La liberté d’expression ne peut pas être immortelle. Il n’y a pas de happy end, c’est un combat sans fin, tant qu’une poignée de fanatiques auront peur du rire, mais surtout tant qu’on aura peur de rire. Rions de tout. Quitte à être bête et méchant !
De notre journaliste Romain Van Dyck
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