Avant de se demander ce que l’Europe va bien pouvoir faire de tous ses migrants, la place était à la consternation ce week-end.
Alors que jusque-là, la question des migrants en Méditerranée était un tabou sur lequel bien des gens fermaient pudiquement les yeux, il a été difficile d’échapper aux images de la bétaillère qui a transporté les naufragés venus principalement de Syrie. Les passeurs du cargo Ezadeen ont entassé ces pauvres candidats à l’exil forcé dans les cales d’un rafiot qui transporte habituellement du bétail. Des « voyageurs » qui ont passé près de onze jours dans des conditions abominables, loin des standards que l’on réserve habituellement aux animaux.
C’est ainsi que sont traités ces hommes, femmes, enfants qui ont tout quitté pour tenter leur chance en Europe. Une décision qui n’a sans doute pas été prise de gaîté de cœur, mais parce que la situation en Syrie, qui n’intéresse plus les médias, est toujours aussi terrible. Ces malheureux ont été saignés par les passeurs qui n’hésitent pas à facturer la « traversée » plusieurs milliers d’euros, bien plus cher qu’une croisière en première classe en Méditerranée si prisée des Européens ! Les passeurs ne prennent même pas la peine d’essayer de mener les migrants à bon port, ils abandonnent tout bonnement le navire après avoir empoché le pactole. Le risque pour eux est quasi nul. Comme il s’agit de cargos en fin de vie, le calcul est vite fait, et les bénéfices bien réels. Les autorités européennes récupèrent alors les commandes de ces embarcations à la dérive pour éviter une mort certaine aux centaines de migrants. Un secours qui coûte cher mais qui est indispensable au regard de la dignité humaine, tout simplement.
Il faut être acculé au désespoir pour miser les économies d’une vie et risquer sa vie pour l’inconnu. La situation en Syrie n’est pas près de s’améliorer et c’est aux réseaux de passeurs qu’il va falloir s’attaquer, avant que la Méditerranée ne devienne vraiment un cimetière marin pour les migrants qui n’ont pas eu la chance d’être secourus à temps.
De notre journaliste Audrey Somnard
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