Il l’a fait. Face au risque de voir la loi Macron retoquée, faute de majorité à l’Assemblée nationale, François Hollande, via Manuel Valls, a décidé de passer en force en brandissant l’article 49-3 de la Constitution française.
Vestige d’une Ve République à bout de souffle, cette arme ultime permet, une fois par an, de faire adopter un texte sans vote, sauf si une motion de censure est votée par l’Assemblée dans les 24 heures. Dans ce cas, très peu probable (frondeur n’est pas kamikaze), le gouvernement doit démissionner.
Le dernier recours au 49-3 remonte à 2006. L’ex-Premier ministre Dominique de Villepin avait ainsi fait passer sa loi sur le contrat première embauche (CPE), finalement abandonné sous la pression populaire. Alors simple patron du Parti socialiste, François Hollande avait qualifié cette méthode de « passage en force », évoquant « une violation des droits du Parlement, une brutalité, un déni de démocratie ».
Un an plus tard, le même François Hollande imaginait purement et simplement « la suppression de l’article 49-3 », ajoutant : « Tout ce qui concourra à l’affermissement des pouvoirs du Parlement aura notre agrément. » Un respect du Parlement auquel Manuel Valls s’était engagé lors de son entrée en fonction, il y a moins d’un an.
Le candidat Hollande avait promis de combattre la finance, de dire non à l’austérité et de réorienter les politiques européennes, ou encore de ne pas copiner gratuitement avec le patronat. À ces renoncements de programme, qui piétinent déjà le vote des Français, il faut désormais ajouter le renoncement démocratique, qui pourrait bien faire le jeu du FN.
Cette loi Macron, fourre-tout très technique censé « libérer la croissance », en valait-elle la chandelle ? La droite la juge trop tiède, voire inutile, quand la gauche rebelle l’accuse de tailler en pièces le droit du travail, notamment via l’extension du travail le dimanche.
L' »esprit du 11-janvier », s’il a existé, n’a pas tenu longtemps. Sans majorité, le gouvernement avoue son impuissance par un excès d’autorité. Histoire de montrer qu’il avance. Mais en démocratie, on n’avance jamais bien loin lorsqu’on est seul.
De notre journaliste Sylvain Amiotte