Soixante-dix ans après la libération du camp d’Auschwitz, l’émotion était encore grande, hier, lors des commémorations.
Difficile de revenir sur l’impensable, et pourtant. Alors que la France recense en ce début d’année une explosion des actes antisémites, alors qu’on s’aperçoit que le « plus jamais ça » n’a pas eu d’effet en ex-Yougoslavie, au Rwanda, au Cambodge et ailleurs, le pire de l’humanité représenté par Auschwitz continue de hanter les mémoires. Les témoins directs de l’horreur sont de moins en moins nombreux, voilà pourquoi 70 ans après, c’est encore plus le moment de les faire parler, encore et encore, avant qu’ils ne se taisent à jamais.
Auschwitz est le symbole de la barbarie, mais surtout ce camp d’extermination est le symbole du massacre programmé à l’échelle industrielle par les nazis. Cela est flagrant quand on se rend sur place, qu’on y voit les registres, le caractère méthodique avec lequel les juifs, les Tziganes, les homosexuels et les opposants politiques ont été déshumanisés, littéralement devenus des numéros, comptabilisés comme des bananes ou des chaussettes. Si Auschwitz a marqué les esprits et est devenu le symbole de la Shoah, c’est parce qu’il y a un avant et un après-Auschwitz. C’est le camp qui a fait le plus de victimes, c’est également celui qui a donné le plus de survivants. La Première Guerre mondiale avait été une boucherie ignoble, sans aucun doute, mais la barbarie nazie a franchi un pas qu’aucun État ni aucune organisation n’avait franchi jusque-là. Comme si l’on pouvait dresser une échelle de l’horreur.
Les beaux et poignants discours d’hier ont rappelé, bien sûr, ô combien le devoir de mémoire était important. Mais il ne faut pas baisser la garde, ne surtout pas balayer d’un revers de la main ce que l’on peut considérer comme rabâché encore et encore. Parce que l’histoire a montré que l’humanité a la mémoire courte et tout simplement parce qu’il faut prévenir les nouvelles générations, celles qui n’ont pas forcément toutes les clés pour comprendre les enjeux de notre monde moderne.
De notre journaliste Audrey Somnard