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Dure France

Si, de passage à Paris, vous croisez des brigades de Japonais armés de gants et de sacs-poubelles, pas d’inquiétude. Ils nettoient les environs. Par simple civisme, ou pour ménager leurs compatriotes fraîchement débarqués, afin qu’ils ne voient pas la crasse entourant certains monuments touristiques.

Surprenant? Pas tant que ça. Les Français n’imaginent pas à quel point la France fait rêver les étrangers, qui y voient un pays de cocagne, de raffinement, et d’un certain savoir-vivre. Mais entre la carte postale et la réalité se dressent parfois des monceaux d’incivilité.

Or une autre tache est en train de ternir l’image de la France. On l’appelle «état d’urgence». En grattant un peu, «état policier». Et les observateurs étrangers tombent des nues en découvrant une facette peu reluisante de la France, celle qui musèle son pouvoir judiciaire au profit de l’exécutif, détourne la loi pour assigner à résidence des écologistes lors de la COP21, qui demande à ses députés de se prononcer sur l’état d’urgence à partir d’un texte qu’ils avaient reçu la veille au soir, ou qui pense que déchoir de leur nationalité des binationaux va les dissuader de poser des bombes…

Récemment, un journaliste du Tagesspiegel (Berlin) s’est indigné que «le pays où sont nées les libertés civiques» cherche à transformer l’état d’urgence en état sécuritaire permanent. Enfin, au moins «jusqu’à ce que l’État islamique soit vaincu», dixit l’hilarant Premier ministre Manuel Valls…

«Au train où vont les choses, la France commence à faire passer Georges W. Bush et son tristement célèbre conseiller juridique Alberto Gonzales pour une bande de mauviettes», écrit de son côté une journaliste du Foreign Policy, à Washington, où pourtant on s’y connaît en dérives sécuritaires!

Ces cris d’alarme se multiplient dans le monde. Beaucoup d’étrangers appellent à faire renaître une France parfois idéalisée et fantasmée, mais aimée et admirée. En reniant ses principes, l’Hexagone n’est-il pas en train de faire des concessions irréversibles? Car une réputation est comme une carte postale : une fois qu’elle est écornée, il est difficile de la restaurer…

Romain Van Dyck (rvandyck@lequotidien.lu)