Leurs voix couvrent le concert des nations. Ils chantent la messe dans une chorale mal accordée. L’Ukraine, ils en ont fait leur bataille d’ego. À coups de retentissants discours, Vladimir Poutine et Joe Biden se donnent la réplique dans un face-à-face à distance, faute d’un tête-à-tête sur la scène internationale.
Deux salles, deux ambiances. Le premier, en panne d’inspiration, radote ses refrains d’un autre temps. Le second, regonflé à bloc, s’époumone à lui voler la vedette. Et quand celui-ci livre un récital au Palais royal de Varsovie, celui-là s’offre un show de rock star sur le retour au stade Loujniki. Un duo tragicomique, pour avoir son quart d’heure de gloire en solo. C’est à celui qui aura toujours un mot plus haut que l’autre. C’est à celui qui gueule le plus fort. Il n’y a pourtant pas de quoi fanfaronner, en ce triste anniversaire qui ne laisse guère présager de paix.
Au milieu, les Européens, juges et partie, tentent d’arbitrer les joutes verbales. Il y a ceux qui s’égosillent peu, mais agissent depuis la première heure, parce qu’aux premières loges de l’effroyable spectacle. Les Polonais, les Baltes, les Roumains. Pas de longues tirades ni d’envolées lyriques de leur part. Il y a les Français qui font de la littérature, les Allemands qui montent d’un ton. Et il y a le Hongrois, pour la note dissonante. Pas question de hurler avec les loups, clame le mouton noir du troupeau.
Des postures, du reste, bien malheureuses. Tous font beaucoup de bruit pour pas grand-chose. À s’écouter ainsi palabrer, ils n’entendent plus les cris de douleur ni les appels au secours. Ils en oublient le vacarme assourdissant d’un pays bombardé quotidiennement depuis un an. Ses habitants qui en crèvent, sans qu’ils n’y prêtent plus vraiment l’oreille. Ses femmes et ses enfants qui passent leurs jours à tenir debout et leurs nuits sans dormir. Rêvant les yeux grands ouverts que les sirènes se taisent enfin. Ses hommes au front, qui comptent les minutes avant le prochain coup de semonce. Eux, dans le fracas incessant de la guerre, cherchent un court instant de répit et de repos. Juste un peu de silence. Que le chœur battant de ce monde leur laisse au moins l’espoir d’en trouver.
Alexandra Parachini