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Donnez de la voix

Exit le bruit et la fureur qui avaient entouré en 2013 la campagne pour les législatives anticipées. DP, LSAP et déi gréng avaient alors constitué une «union sacrée» pour bouter le CSV hors du gouvernement. Rien de tout cela en 2018, où c’est en quelque sorte un retour au business «as usual». Dans ce jeu, les grands partis s’entourent de moult précautions pour ne pas égratigner outre mesure des adversaires avec qui ils pourraient gouverner demain. Cela est d’autant plus vrai que, à deux jours du scrutin, bien malin est celui qui peut en prédire l’issue. Si l’on en croit les sondages, le CSV part hautement favori et pourrait n’avoir que l’embarras du choix pour jeter son dévolu sur son futur partenaire de coalition.

Ces calculs politiciens donnent une campagne électorale sans relief et sans saveur où les formations dites «de gouvernement» avancent des programmes de moins en moins distincts les uns des autres, les clivages sur les enjeux importants comme l’environnement, l’économie ou les finances publiques étant totalement effacés. Dans ce sens, cette campagne est peut-être l’une des plus ternes de ces dernières décennies, suscitant l’indifférence grandissante de l’électorat.

Si l’on exclut les positions plus franches des petits partis, force est de constater que les critiques les plus saillantes sont venues de ce que l’on appelle «la société civile», associations et ONG ayant passé au crible les programmes des partis dans les domaines qui les concernent: droits des consommateurs pour l’ULC, environnement pour le Méco, droits humains pour Amnesty, santé pour Akut, etc.

Le fait que ces acteurs soient seuls à porter une réelle opposition témoigne du fossé grandissant entre les citoyens et un monde politique professionnalisé, évoluant en vase clos, incapable de réviser ses modes de fonctionnement. Son inertie face à l’urgence de la crise environnementale en livre une illustration édifiante. La société civile a bien raison de donner de la voix face à un monde politique dont l’objet principal est devenu la seule conquête du pouvoir et qui occulte l’essentiel de sa mission: être au service exclusif de ceux qui les élisent.

Fabien Grasser