Désenchantés

Le Grinch, c’est moi ! Je hais Noël ! Tout le monde devient tout beau, tout gentil, mais les démunis restent assis dans la neige. Enfin s’il a neigé ! En général, il pleut à cause de tous ces gens qui beuglent d’horribles chants en agitant des clochettes», affirmais-je il y a quelques années dans un autre éditorial d’un autre quotidien national. Cette année, alors que Noël risque de nous passer sous le nez, il me manquerait presque et pas uniquement par pur esprit de contradiction. Les décorations et les sapins sont là, les lumières aussi, les étiquettes de promotion sont en cours d’impression… pourtant, à un mois du jour J, quelque chose manque à mon tableau. Il n’y a pas de marché de Noël! Donc pas d’Ierbsebulli, pas de Gromperekichelcher trempés dans de l’Appelmoos dégustés au coin d’une table en trinquant au Glühwein entourée d’inconnus exaltés. Les forains n’ont rien pu déballer et les patates des Gromperekichelcher sont cuites, mais dans le mauvais sens du terme.

Comme nos traditions populaires de kermesses, ceux qui les font vivre risquent de disparaître. Le virus prive les forains de leur métier et de leur mode de vie. Ses amuseurs, ses pourvoyeurs de douceurs sucrées et de divertissements variés sont pieds et poings liés. Pourtant, nous aurions bien besoin du réconfort ouaté de la barbe à papa, de la poésie d’une pomme d’amour ou de l’énergie burlesque d’une fête foraine où nous étourdir sur une grande roue et oublier que les temps sont durs.

Au même titre que les établissements de l’Horeca ou les manifestations culturelles – que les concerts me manquent! –, le rôle des forains dans notre société est important et moins désuet qu’il n’y paraît. Comme d’autres commerçants indépendants, ne les oublions pas. N’oublions pas notre histoire – 680 ans de Schueberfouer, ce n’est pas rien – et ceux qui la font, nos rêves d’enfants et nos souvenirs. Notre nostalgie d’une rose gagnée au tir à la carabine, d’un avion que l’on croit faire décoller ou d’un pompon, passeport pour un tour de manège gratuit, fait exister les forains.

Sophie Kieffer