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Des questions historiques

Le bras de fer entre autorités catalanes et Madrid, personnifié par le président de la Generalitat Carles Puigdemont et par le Premier ministre Mariano Rajoy, s’est encore durci hier avec la menace du gouvernement central de suspendre l’autonomie de la Catalogne, une première dans l’Espagne postfranquiste. La revendication indépendantiste de la riche et industrieuse Catalogne ranime des questions ayant agité l’histoire du pays depuis plus d’un siècle.

Les aspirations indépendantistes de la Catalogne et du Pays basque ressurgissent régulièrement, parfois avec violence. Les particularités culturelles et linguistiques sont singulièrement marquées dans ces régions et une partie de leurs habitants ne reconnaissent pas leur appartenance à l’Espagne.

Plus généralement, la question de la centralisation du pouvoir et de l’autonomie des régions est au centre des débats politiques depuis l’instauration de l’éphémère première République espagnole en 1873, quand «unitaires» et «fédéralistes» s’opposèrent. En 1931, le débat était ranimé avec la naissance de la Seconde République. Il mina gravement le camp républicain lors de la guerre civile jusqu’au coup de force de mai 1937, quand l’État républicain, le Komintern et le Parti communiste espagnol écrasèrent les anarchistes et marxistes de Barcelone qui avaient conféré une indépendance de fait à la Catalogne. Le sujet étant des plus sensibles, la Constitution adoptée en 1978 accorde aux 17 régions, les Communautés autonomes, des pouvoirs étendus auxquelles elles s’accrochent jalousement.

Facilement caricaturés en «riches qui ne veulent pas partager avec les pauvres», les indépendantistes catalans soulèvent aussi le sujet récurrent depuis un siècle du régime politique. Ils veulent décréter la République s’ils prennent l’indépendance, rejetant une monarchie qu’ils désignent avec emphase comme l’héritière du franquisme.

Gelées sous le règne dictatorial du Caudillo, ces questions se rappellent à la mémoire des Espagnols, quarante ans après le retour du pays à la démocratie. Ces interrogations fondamentales rejailliront avec toujours plus d’acuité si elles ne font pas l’objet d’un dialogue ouvert. Celui-là même qui fait tant défaut aujourd’hui entre Madrid et Barcelone.

Fabien Grasser