Des insectes et des pommes

L’homme est, soi-disant, l’être le plus évolué de la création puisqu’il contrôle des robots et, selon la théorie de l’évolution de Darwin, parce qu’il a su s’adapter pour survivre. Tant et si bien qu’il en oublie d’être humain et détruit son environnement sans sourciller. Tout pour sa pomme!

Sa fraise toute l’année (qui augmente l’empreinte carbone), son avocat (nouvelle cause de déforestation de l’Amazonie), son steak quotidien (parce que l’homme en a les moyens) ou son saumon d’élevage gavé aux antibiotiques (parce que l’homme veut impressionner la caissière du supermarché). L’homme a succombé doucement, bêtement, aveuglément aux charmes de la société de consommation. À tous ces symboles et à tout ce qu’ils impliquent.

Il faut produire, produire et encore produire. L’homme ne se contente pas de ce qu’il a. Heureusement, sinon nous vivrions encore dans des grottes sans wifi. L’homme produit trop au détriment des espèces qu’il juge moins évoluées. Pour sa pomme, l’homme a la mémoire sélective et la conscience qui refoule. En attendant, s’il ne change pas, il sera bientôt tout seul sur une planète sans pommes. Sans pommes parce que sans insectes pour polliniser les fleurs de pommiers.

Une synthèse de 73 études publiée dans la revue Biological Conservation indique que nous assistons en ce moment même au plus massif épisode d’extinction depuis la disparition des dinosaures. Dans un siècle, sermonnent les études, le dernier insecte s’écrasera sur un pare-brise. S’éteindront ensuite les oiseaux, puis petit à petit tous les maillons de la chaîne alimentaire et de la biodiversité. Papillons, abeilles, coccinelles, punaises de lit, même les cafards censés survivre à une explosion nucléaire, tout doit disparaître.

Pour sa propre production intensive, l’homme détruit à coups de pelleteuse et d’engrais chimique ceux qu’il juge plus faibles que lui, les sans-paroles. Les jeunes et les scientifiques s’en font les porte-voix et déjà on entend les insectes faire le buzz…

Sophie Kieffer