Le Premier ministre, qui est aussi celui des Médias, demande aux députés d’organiser en mars un débat de consultation sur «l’évolution des médias et la qualité de la presse». C’est une mauvaise idée en ce qui concerne la «qualité de la presse». Il est peut-être tout d’abord bon de rappeler que l’exercice du métier de journaliste est régi par un droit spécifique sur la «liberté d’expression dans les médias» et qu’au moment de se voir remettre leur carte professionnelle, le journaliste signe un code de déontologie définissant ses droits et devoirs. Mais ces règles ne portent aucune appréciation sur la «qualité de la presse», notion pour le moins subjective, chacun ayant sa propre idée sur le sujet.
Si ce projet de Xavier Bettel nous semble déplacé, ce n’est pas par réflexe corporatiste, mais par le vague de son intitulé. De la presse de «boulevard» à celle qui relaye des débats intellectuels, parfois hermétiques au commun des mortels, le champ est vaste. On peut déplorer l’existence de l’une ou de l’autre, mais chacune témoigne de la pluralité des opinions, indispensable au débat démocratique. Qu’entend un politique par presse de qualité, alors qu’elle a entre autres vocation de critiquer le pouvoir politique? Il ne s’agit pas de dénier aux politiques le droit de blâmer un journal, mais tenir un tel débat, fût-il consultatif, dans le lieu où se font les lois, peut déboucher sur d’aventureux dévoiements.
Nous expliquera-t-on à l’issue de cette discussion que les journalistes doivent strictement relayer l’information concoctée par leurs bataillons croissants de communicants? Qu’il faut révéler ses sources dans la dénonciation de scandales? Nul pays n’est à l’abri de ces dérives. L’actualité montre que, même dans les plus solides des démocraties, les pouvoirs politique et économique tentent régulièrement d’ébrécher le droit à l’information. Y compris au Luxembourg, où bien des ministres ferment leur porte dès qu’on évoque un sujet qui fâche.
Dans un arrêt de 1976, la Cour européenne des droits de l’homme énonce que la liberté d’expression «vaut non seulement pour les informations ou idées accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent : ainsi le veulent le pluralisme, la tolérance et l’esprit d’ouverture sans lesquels il n’est pas de société démocratique». L’oublier serait inadmissible.
Fabien Grasser
Sacré Fabien. Toujours prompt à enfiler son costume de chevalier blanc ou de Don Quichotte pour aller pourfendre les moulins à vent ! Ben, moi, j’ai eu beau chercher, je n’ai rien trouvé de tangible sur le sujet si ce n’est que le gouvernement envisage d’étendre le – très généreux – système de subsidiation existant pour la presse écrite (dont bénéficient 10 publications luxembourgeoises parmi lesquelles… Le Quotidien) à la presse en ligne avec effectivement une clause de « qualité ». Le terme « qualité » peut évidemment revêtir de nombreuses significations et mériterait d’être plus explicite mais y voir une espèce de droit de regard ou une volonté de censure relève de la pure paranoïa.
Rappelons que le système de subsidiation mis en place par l’état Luxembourgeois vise justement à garantir une forme de pluralité en aidant certaines publications à garder la tête hors de l’eau, à rester viables. Cela représente pour chaque organe la prise en charge du coût théorique de 5 journalistes temps-plein et de quelques tonnes de papier (fonction du tirage de chacun) soit quelque chose comme 450.000 € par heureux bénéficiaire (pas mal pour Le Quotidien – journal « indépendant » luxembourgeois qui crache si volontiers sur le pays, sur les Luxembourgeois et sur leur langue).
Alors de quoi il se mêle Xavier ? Ben il veut peut-être simplement vérifier qu’on fait un bon usage de l’argent public alloué à la presse, ce qu’on ne peut pas décemment lui reprocher car ça fait partie de son boulot. Peut-être ce terme « qualité » vise-t-il aussi à combattre les phénomènes de plus en plus fréquents de désinformation, d’exagération ou tout simplement de non information en taisant certains sujets ou évènements (suffit de voir ce qui ce passe en Allemagne avec la manipulation systématique de médias officiels comme ARD et ZDF qui reçoivent pourtant une « cotisation » mensuelle de +/- 18 € par ménage – faites le compte).
Alors, rassurez-vous Fabien, on n’est pas encore en Turquie, même si l’islamisation de nos sociétés progresse lentement mais sûrement. Mais vous avez bien raison de rester vigilant ;-).