L’atelier de remilitarisation d’armes de guerre démantelé au Luxembourg en février 2015 est l’exemple type de filière qui a fourni les engins de mort des frères Kouachi et Amedy Coulibaly, auteurs des attaques contre Charlie Hebdo et l’Hyper Cacher. Tout colle : les terroristes étaient équipés de fusils d’assaut remilitarisés, les mêmes modèles tchèques que ceux saisis au Luxembourg et, dans les deux cas, ces armes provenaient de Slovaquie.
La députée CSV Octavie Modert a donc bien raison de rappeler, dans une question parlementaire, que ces armes, habituellement destinées au grand banditisme, finissent parfois entre les mains de terroristes. Mais la filière qu’évoque l’ancienne ministre est celle des Balkans et fait référence à un documentaire diffusé par plusieurs télés européennes. Le nom du Luxembourg y apparaît comme destination d’un trafic au départ de Sarajevo (lire notre édition papier du mercredi 9 mars). Le 13 novembre 2015, les «kalachs» ayant décimé les terrasses parisiennes et le Bataclan étaient en majorité made in Serbie.
Cela ne prouve rien sur le Luxembourg, si ce n’est que le pays est plus exposé au trafic international d’armes de guerre que ne le disent Étienne Schneider et Félix Braz. Le déni dans lequel semblent plongés les ministres de la Sécurité intérieure et de la Justice n’y change rien. Les saisies d’armes de guerre se multiplient et le crime organisé tire profit à merveille de la position géographique d’un pays ayant pour voisin la France, la Belgique et l’Allemagne. Si l’atelier démantelé au Luxembourg n’a peut-être pas fourni les terroristes, il alimentait en revanche des truands français de plus en plus violents. À Marseille, les règlements de compte entre dealers ont fait 180 morts depuis 2008.
Experts, policiers et magistrats confrontés à ce fléau s’accordent tous sur une chose : l’absence d’harmonisation des législations dans l’Union européenne plombe la lutte contre le trafic. Le cas du Luxembourg est éloquent : les textes de loi sur le sujet sont bien minces eu égard à ce qui se pratique, par exemple, en Allemagne.
Faut-il pour autant blâmer ce gouvernement, héritier d’une loi datée et soumis aux mésententes des Européens? Connaissant la gravité des faits, ce gouvernement est au moins comptable de son manque d’empressement à agir depuis un an. Depuis que des fous tuent des innocents dans les rues de nos villes.
Fabien Grasser