En France cet été, ce n’est pas «couvrez ce sein que je ne saurais voir» comme dans Le Tartuffe de Molière, mais bien «cachez ce vêtement que je ne saurais voir» avec la multiplication des interdictions du burkini – qui couvre le corps et la tête des femmes – sur les plages. Que la place de l’islam dans la société française suscite le débat – en particulier dans un contexte terroriste – ne semble pas illégitime. L’interdiction de la burqa – qui dissimule le visage – dans l’espace public peut ainsi apparaître fondée tant ce vêtement va à l’encontre de l’égalité homme-femme qui est censée être une valeur de la République française. Mais l’interdiction du burkini sur les plages laisse plus que sceptique.
Son application risque en effet d’être une gageure. Si une femme ne peut couvrir son corps et sa tête sur une plage, doit-on alors verbaliser celles à la peau fragile qui se protègent du soleil afin de ne pas finir rouges comme des tomates ? Et doit-on verbaliser les femmes complexées qui pourraient être gênées à l’idée de se déshabiller en public ? Cette interdiction du burkini se transforme presque alors en une injonction à montrer son corps, ce qui est une véritable entrave à la liberté individuelle. À quand un panneau «seins nus obligatoires» sur les plages françaises ?
Mais d’un autre côté, cette interdiction reflète bien une coutume française. À la moindre polémique, au moindre fait divers, il faut tout de suite légiférer, interdire. Certains maires, à l’image de celui du Touquet, ont ainsi pris des arrêtés d’interdiction alors qu’ils n’avaient jamais constaté de port du burkini sur les plages de leur commune.
Bien sûr que le port du burkini est un message politique en soi. Bien sûr qu’il est le symbole d’une idéologie, d’un islam rigoriste où la place de la femme n’est pas celle qui lui est habituellement dévolue en France. Dire que le port de ce vêtement est contraire aux us et coutumes françaises n’a rien d’islamophobe. Mais son interdiction – sous un prétexte fallacieux de «trouble à l’ordre public» – n’aidera en aucun cas à combattre l’islam de nos «amis» saoudiens et ne sauvera pas un système d’intégration en panne.
Nicolas Klein (nklein@lequotidien.lu)