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Concorde sociale

Il est trop tard pour faire encore semblant de croire que, dimanche, le oui en faveur du droit de vote des étrangers aux élections nationales peut l’emporter. À moins de faire mentir les sondages et le climat général qui s’est installé, une majorité d’électeurs luxembourgeois répondront «Nee» à la question la plus importante du référendum. Question qui devrait combler un déficit démocratique dans un pays dont près de la moitié de la population n’a pas voix au chapitre dans les grandes décisions. La situation démographique du Luxembourg est unique et l’élargissement du corps électoral est vital à sa démocratie.

Cet augure aux allures défaitistes est à l’image d’une campagne référendaire, tardive, improvisée, bâclée et le plus souvent sans passion. Pourtant, en décidant de la tenue de ce référendum, la coalition gouvernementale, suivie par une grande partie de la société civile, partait d’une intention des plus louables : placer sur un pied d’égalité tous les citoyens de ce pays. Les arguments ne manquent pas dans un Luxembourg dont la richesse démographique, économique, culturelle et politique se construit depuis plus d’un siècle sur l’immigration.

Ces arguments, l’opposition de droite, CSV et ADR, y reste obstinément sourde, avançant que le droit de vote doit obligatoirement passé par l’acquisition de la nationalité luxembourgeoise. Le CSV, premier parti du pays en nombre d’électeurs, a joué la carte de la peur en agitant l’épouvantail de la relégation des nationaux au rang de citoyens de seconde zone. Cela ne résiste pas à une analyse approfondie de la situation. Mais entre son électorat conservateur traditionnel et les déçus de la politique en général, le CSV a su trouver son public, y compris auprès de la CGFP, le syndicat des fonctionnaires cramponné aux mirifiques avantages et traitements de ses adhérents.

De cette façon, le parti chrétien-social joue aussi la droitisation du champ politique, stratégie dont la première conséquence est de décomplexer des individus et des groupuscules d’extrême droite, sortis de l’ombre sur des réseaux de moins en moins «sociaux».

Si le non l’emporte, l’on pourra évidemment passer tout son temps à disserter de la responsabilité des uns et des autres. Aussi bien sur la stratégie de division orchestrée par le CSV que sur le risque peut-être inconsidéré pris par la coalition en organisant un référendum à même de réveiller les pires démons.

Mais dès lundi matin, une fois passée l’excitation du moment, chacun devra, en fonction du choix qu’il aura défendu et exprimé faire face à ses responsabilités. À sa conscience aussi, car il en va de l’avenir de la concorde sociale du pays. Et à cela, il est encore temps d’y penser avant de passer aux urnes. Tant pour les décideurs que pour les simples citoyens.

C’est parce que nous croyons en l’égalité de tous que nous pensons que chacun doit pouvoir participer pleinement à la vie de la collectivité au sein de laquelle il a choisi de vivre. Accorder le droit de vote à ceux dont on partage le quotidien, les joies et les peines est un rêve réalisable. Et profondément fraternel.

Fabien Grasser (fgrasser@lequotidien.lu)