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Combien de morts faudra-t-il ?

Emmanuel Macron a commencé lundi son très attendu discours aux Français en condamnant les violences accompagnant depuis un mois la manifestation hebdomadaire des gilets jaunes, à Paris et en province. Mais il n’a pas eu le moindre mot pour les quatre personnes mortes depuis le début du mouvement. Trois décès sont survenus dans des opérations de blocage de routes tandis que le quatrième est le fait des forces de l’ordre qui ont tué d’une grenade lacrymogène une octogénaire retranchée dans son appartement à Marseille.

Ce décompte est aussi funeste que singulier dans l’histoire de la Ve République, seule la répression des manifestations liées à la guerre d’Algérie en 1961 et 1962 ayant fait bien davantage de victimes. Quand en 1986 l’étudiant Malik Oussekine était matraqué à mort par la police, Jacques Chirac retirait la loi Devaquet de réforme de l’université. François Hollande faisait de même avec le projet controversé du barrage de Sivens après la mort d’un manifestant en 2014. À chaque fois, ils privilégiaient la paix civile, affirmant la primauté de la vie humaine sur toute autre considération.

Rien de tel chez Macron. Les concessions faites lundi soir relèvent de l’entourloupe. Le cap néolibéral engagé de façon cinglante depuis 18 mois n’est pas mis en cause alors qu’il est désormais au cœur de la contestation inédite des gilets jaunes. Leur colère vise avant tout les injustices fiscales et inégalités sociales érigées en ligne politique par un président dont la seule considération semble aller à ses chers «premiers de cordée».

Macron se prévaut d’une victoire électorale qui doit davantage à la présence de Le Pen au deuxième tour de la présidentielle et à une abstention record qu’à l’adhésion à son programme. Bien qu’il ne l’ignore pas, il n’apaise en rien un climat de plus en plus inquiétant car, face à ce qui est perçu comme du mépris, le danger d’une radicalisation accrue des «gilets jaunes» est réel. Il est dès lors permis de se demander combien de morts il faudra avant que Macron ne mesure la gravité de la situation.

Fabien Grasser