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Co-développement : et la banlieue du Luxembourg ?

Dans l’esprit des responsables politiques, les rétrocessions fiscales, débattues mardi à la Fondation Idéa, sont une bonne guerre à mener contre la Lorraine. C’est une erreur. Il ne s’agit pas de Français ou de Luxembourgeois : il s’agit de salariés de l’Europe entière, qui viennent s’installer d’un côté ou de l’autre de la frontière, principalement pour des questions de budget. Huit mille Luxembourgeois sont d’ailleurs frontaliers de leur propre pays. Certains pour des questions de couple. D’autres parce qu’ils n’ont plus les moyens de vivre au Grand-Duché convenablement.
Étudier la question d’un retour de fiscalité avec la Lorraine, le premier bassin frontalier, c’est se pencher sur une injustice qui peut toucher tout le monde. Quel sens cela a de conserver tous les impôts des frontaliers pour surinvestir ici, alors que 50 % des actifs retournent ailleurs (Belgique, France, Allemagne), utilisant des infrastructures sous-dimensionnées? Pourquoi un actif du Luxembourg «petit salaire» devrait habiter une banlieue où les capacités d’investissement sont quatre fois moins élevées qu’au Luxembourg? Pourquoi ses enfants vont parfois dans des parcs usés? Pourquoi doit-il emprunter des transports en commun bondés? Le Luxembourg est une chance pour tout le monde, O. K. Mais ces questions sont là.
C’est un leurre, quand le ministre François Bausch dit qu’il préfèrerait «plus d’habitants et moins de frontaliers». Les projections prouvent le contraire : les deux leviers resteront importants. Surtout, la capacité de construire des logements au Grand-Duché, dixit le président de l’Union des propriétaires du Luxembourg, ne peut pas dépasser les 4 000 unités par an. Insuffisant pour suivre! D’où 75 000 nouveaux frontaliers attendus d’ici 2030, dont au moins 40 000 en provenance du versant lorrain. Il n’y aura pas de place pour tout le monde et, a fortiori, moins encore pour les ménages défavorisés. C’est le Nord lorrain qui construit les logements sociaux du Luxembourg, qu’on se le mette en tête. Et qu’on ne déplore pas la montée des populismes en Europe, quand on entretient une telle situation en son cœur.