Oui au CETA, non au TTIP. Telle est la conclusion de la réunion ministérielle européenne qui s’est tenue vendredi à Bratislava, où le Luxembourg était représenté par son chef de la diplomatie, Jean Asselborn. Autrement dit, oui à une application provisoire de l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada, copie à revoir pour l’accord avec les États-Unis. Belle hypocrisie, tant les éléments différenciant ces deux projets commerciaux ne dépassent pas l’épaisseur d’un papier à cigarette.
C’est particulièrement vrai pour le chapitre 8 du CETA, reprenant l’un des aspects les plus contestés du TTIP. Cet article autorisera les entreprises canadiennes – et américaines disposant de filiales au Canada – à poursuivre les États membres de l’UE et l’UE elle-même, dès qu’ils adopteront une législation amputant leurs bénéfices.
Si demain les députés luxembourgeois votent une loi pour protéger la santé des consommateurs, un géant de l’agroalimentaire, par exemple, pourra traduire le pays devant un tribunal arbitral si cette loi réduit ses profits. L’intérêt particulier des actionnaires pourra passer avant l’intérêt général, quand bien même celui-ci cherche à préserver la vie des gens, au sens littéral du terme. Qu’une entreprise cherche à réaliser le plus de profits possibles semble logique, c’est même sa raison d’être. Que des hommes politiques, comme ceux réunis vendredi dans la capitale slovaque, abondent dans ce sens est emblématique du peu de cas qu’ils font du pouvoir que leur confie la souveraineté populaire, qui constitue le fondement de la démocratie. Si politique et monde des affaires ne doivent pas nécessairement s’opposer, il appartient néanmoins à la première d’encadrer les excès du second.
Décédé en 2014, le travailliste britannique Tony Benn, représentant de l’aile gauche du Labour, avait un jour déclaré : «Au cours de ma vie, j’ai développé cinq questions sur la démocratie. Quel pouvoir avez-vous? De qui le tenez-vous? Dans l’intérêt de qui l’exercez-vous? À qui devez-vous rendre compte? Qui peut se débarrasser de vous?» En confiant aux multinationales le droit de contester la souveraineté des États et de leur peuple, les ministres réunis vendredi à Bratislava y ont répondu à leur manière.
Fabien Grasser (fgrasser@lequotidien.lu)