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Chômeurs, merci de voir ailleurs

Le ministre du Travail, Nicolas Schmit, a «un grand problème», car la Commission européenne veut réformer les allocations chômage. «Et qu’avec 200 000 frontaliers, si on doit s’occuper de tous ceux qui perdent leur emploi, je ne peux pas le faire»…

C’est hallucinant. Ces propos ont été tenus lors d’une conférence à Belval, la semaine dernière. Où cotisent les frontaliers pour le chômage ? Au Luxembourg ! Donc, quand il s’agit de produire la richesse, on s’y met à deux (45% des actifs sont frontaliers) et quand il s’agit d’assumer les coups durs, chacun rentre chez soi ? À charge pour les États voisins de payer la note.

Pour le moment, le système fait que le Luxembourg règle trois mois de chômage au pays de résidence d’un frontalier qui perd son emploi. La Commission souhaite une indemnisation totale à douze mois. Nicolas Schmit s’affole : «Il faut trouver des solutions acceptables pour tous.» On n’est pas loin de la métaphore de la paille dans l’œil du voisin (européen). Imaginons un tour de passe-passe vertigineux : que se passerait-il si tous les actifs du pays vivaient au Luxembourg ? Au lieu de vivre à 45% à l’étranger comme aujourd’hui… Il faudrait deux fois plus d’écoles, de logements sociaux, de piscines ou que sais-je encore !

Ainsi, pour maintenir le même niveau de dépenses dans ses communes, le Luxembourg devrait débloquer non pas 1,8 milliard d’euros par an (Fonds de dotation global des communes + impôt commercial), mais le double. Ce qui serait très lourd, sur un budget étatique d’environ 15 milliards d’euros annuels.

En clair, le Luxembourg peut se permettre de telles dépenses dans ses communes (parc, vie culturelle, etc.) uniquement du fait du phénomène frontalier. Les «frontas» créent la richesse ici (et l’impôt que l’on prélève dessus), mais ils repartent vivre ailleurs : c’est tout bénef, peu importe les frais de mise à niveau des infrastructures de transport. Et il faudrait encore, nous dit-on, que les pays voisins assument le chômage d’ici ? Les «trop» bonnes affaires n’existent pas.

Hubert Gamelon