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La chasse au Sepp

Il aura donc fallu attendre ces deux procédures judiciaires concernant la FIFA. Procédures ouvertes par les justices américaine et suisse. Et les arrestations retentissantes qui s’en suivirent, pour atteindre enfin, presque en pleine tête, celui que tout le monde désigne depuis longtemps comme le Parrain du foot mondial.

Secret de polichinelle, Sepp Blatter, 79 ans, sent l’ancien et le renfermé. Le rance. Mais «tranquille mimile», il brigue aujourd’hui un 5e mandat à la présidence de la FIFA. Hier, il n’a même pas eu à déployer des trésors d’imagination pour livrer ses tartines explicatives. Style : «D’autres mauvaises nouvelles sont à venir». Tiens donc. Ou franchement vaseuses : «les suspects arrêtés jettent la honte et l’humiliation, mais je ne pouvais pas surveiller tout le monde». Il fallait oser. Blatter ose tout. Il a toujours tout osé, avec succès.

Qu’expliquer d’ailleurs, lorsqu’on est à la tête de la plus grande fédération sportive, qu’on est manifestement le meneur d’une bande de crapules sans grande vergogne, qui viennent, dans une concordance des temps qui n’a échappé à personne, de se faire prendre les doigts dans le pot de confiture ?

Depuis une bonne quinzaine d’années, Blatter, ciblé par des enquêtes journalistiques qui aboutissaient aux mêmes conclusions, faisait le dos rond. Et ça finissait toujours par passer. Le Suisse, cuirassé par ses batailles d’appareil pour se maintenir et perpétuer un clientélisme qui aujourd’hui encore devrait lui servir, feint de ne pas voir l’évidence alors qu’un énorme carton rouge se promène sous son nez de Pinocchio. Non, il ne veut pas quitter le terrain. Son terrain.

Il fallait s’y attendre, des soutiens comme celui de Vladimir Poutine sont sortis du bois pour dénoncer l’impérialisme américain. C’est un fait intangible. Il n’y a guère que les Américains aujourd’hui, pour traquer les corrupteurs qui pullulent dans le sport. Pour taper là où ça fait mal. Armstrong et l’UCI corrompue, ce sont eux. La FIFA, c’est encore eux. Qu’est-ce qu’on aimerait qu’ils farfouillent dans les poubelles du CIO…

L’Europe, accommodante, dénonce mollement. Et hausse les épaules une fois que le gibier est dans la nasse. Il est donc temps, messieurs, de crier avec les loups et de chasser le «Sepp». Car il est cuit.

Denis Bastien (dbastien@lequotidien.lu)