Accueil | Editoriaux | C’est loin Schengen

C’est loin Schengen

Pas sûr que le nouveau ministre allemand de l’Intérieur, Alexander Dobrindt, connaisse Schengen, ce petit village luxembourgeois où a été posée, en 1985, la base d’un des acquis majeurs de l’UE. Dans la tête des citoyens, les frontières n’existent plus. Cela vaut plus particulièrement pour les habitants de la Grande Région, que le Grand-Duché forme avec les régions voisines en France, Belgique et Allemagne. Pourtant, 40 ans après la signature des accords de Schengen et 75 ans après la déclaration de Robert Schuman, un des architectes de la construction européenne, l’idée d’une Europe sans frontières est plus que jamais menacée.

En cause, le tour de vis migratoire décidé sans tarder par le nouveau gouvernement allemand. Non seulement seront maintenus les contrôles renforcés aux frontières, en place depuis septembre 2024, mais à partir de maintenant, la police allemande va pouvoir refouler chaque personne qui se présente sans papiers valables à un point d’entrée, y compris les demandeurs d’asile. Une concession humanitaire toutefois : les groupes vulnérables, comme les enfants et les femmes enceintes, pourront continuer à demander refuge outre-Moselle.

Cela n’empêche pas que le nouvel exécutif entrave, sans aucun doute, le droit européen et le droit international. Se pose aussi la question de la nécessité, car le nombre de demandes d’asile est en forte baisse. On ne peut pas effacer l’impression selon laquelle la mesure est surtout une réponse à la percée de l’AfD, le parti d’extrême droite, qui plaide pour une «remigration» des résidents étrangers.

Selon le ministre Dobrindt, le durcissement de la politique migratoire ne doit pas se faire «sous la forme d’une surcharge pour nos voisins». Pas de trace toutefois des accords bilatéraux qui devaient être conclus avec les pays voisins. Mercredi, la Suisse et la Pologne sont déjà montées au créneau. Le Grand-Duché a déposé en février un recours auprès de la Commission européenne.

Vendredi, les chefs de l’UE seront à Luxembourg pour honorer Robert Schuman. Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, connaît bien Schengen. Elle a tout intérêt à trancher rapidement la question de savoir si l’Allemagne viole ou pas les règles communautaires. Une ombre plane d’ores et déjà sur les festivités à venir.