Relique gauchiste vouée aux oubliettes de l’histoire ou artisan d’une «révolution démocratique» qu’il appelle de ses vœux ? Quoi que l’on pense de Jeremy Corbyn, l’on ne peut que constater que c’est haut la main que le vieux rebelle travailliste a été réélu à la tête du Labour, samedi à Liverpool, lors du congrès du parti. Ce scrutin interne a été provoqué par la fronde d’une majorité de députés travaillistes ayant, au début de l’été, accusé leur chef d’être en partie responsable du Brexit en raison de la mollesse de sa campagne en faveur du maintien du Royaume-Uni dans l’UE. Les 61,8% de militants du Labour qui ont voté en sa faveur samedi ont adressé un cuisant désaveu aux élus qui les représentent.
Quoi que l’on pense de Jeremy Corbyn, ce résultat témoigne du fossé grandissant entre les élites politiques dirigeantes et leur base électorale. Ce clivage n’est pas propre au Parti travailliste. Il est aussi le nom, à l’échelle nationale, du résultat du référendum du 23 juin. Ce clivage n’est pas propre au Royaume-Uni : il affecte toutes les démocraties du continent et les États-Unis, comme en témoigne la campagne pour la présidentielle du 8 novembre prochain.
Quoi que l’on pense de Jeremy Corbyn, ce ne sont pas tant ses positions militantes pacifistes ou antinucléaires qui l’ont rendu populaire, mais bien sa dénonciation des politiques d’austérité dont l’UE s’est faite un chantre inconditionnel. C’est en tout cas ce que nous disent les milliers de témoignages de Britanniques recueillis par les médias ces derniers mois. En moins d’un an, Jeremy Corbyn a suscité 300 000 nouvelles adhésions, faisant du Labour le premier parti d’Europe en nombre de militants.
Quoi que l’on pense de Jeremy Corbyn, cela mérite d’être entendu à sa juste mesure, car cela en dit long sur le rejet grandissant d’une action publique dont le champ se réduit à la seule consécration du tout économique. Cela en dit long sur nos démocraties dont il devient toujours plus évident que le fonctionnement ne reflète plus la volonté populaire alors qu’elle en est la substance vitale.
Fabien Grasser (fgrasser@lequotidien.lu)