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Burqa : il est urgent d’attendre

Copie à revoir : telle est la conclusion rendue mardi par la Commission consultative des droits de l’homme (CCDH) sur le projet de loi sur le port du voile intégral par les femmes musulmanes, communément appelé loi antiburqa. Le ministre de la Justice, Félix Braz, est renvoyé à ses chères études de droit pour cause de copier-coller de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, sans qu’il ait pris en compte le cadre particulier du Luxembourg. Gilbert Pregno, le président de la CCDH, s’étonne de l’urgence à légiférer sur un problème touchant tout au plus une dizaine de femmes dans le pays.

La charge est rude pour le gouvernement, dont le principal grief n’est pas tant d’avoir mal ficelé sa loi que d’avoir cédé au chant des sirènes de ceux qui, au Parlement, ont fait de la burqa un sujet, alors qu’elle est pourtant quasi inexistante au Luxembourg. Le premier copier-coller dans cette affaire ne vient pas de la main du ministre écolo, mais du CSV et de l’ADR qui, s’inspirant des dérives droitières en France et en Belgique, tentent de piéger l’électorat dans les replis identitaires du communautarisme national. Quitte à stigmatiser les musulmans en les assimilant à de potentiels terroristes, car c’est bien de cette peur qu’ils jouent.

Pour une coalition gouvernementale formée de partis se voulant de progrès, le véritable courage politique aurait moins consisté à bâcler une loi que de renvoyer les démagogues vers leurs propres contradictions, ADR et CSV se défendant de tout populisme dans leur projet. Au lieu de cela, le gouvernement s’est appliqué à suivre leur voie, quand bien même il en nuance les aspects les plus rugueux.

Le président de la CCDH juge qu’aujourd’hui cette loi est un «non-sens», mais précise que nul ne sait comment les choses auront évolué dans cinq ans. Aussi, en cette année électorale où tout un chacun se défend de faire du racolage à bon compte, serait-il pertinent de repousser son vote à l’après-législatives. Le débat serait alors amputé de ses évidentes visées électoralistes et le danger d’accentuer les clivages dans la société amoindri.

Fabien Grasser