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Bon appétit

Le tiroir-caisse va sonner fort chez McDonald’s France qui devra s’acquitter d’un redressement fiscal de 300 millions d’euros, le géant du fast-food ayant planqué une partie de ses bénéfices en Suisse et au Luxembourg, où l’État lui accorde de généreux rescrits fiscaux. L’information a été dévoilée par l’hebdomadaire français L’Express ironisant sur le risque d’indigestion si l’on traduit ces 300 millions d’euros en hamburgers.

Avec l’ouverture, mardi, du «procès LuxLeaks», la justice luxembourgeoise se penchera sur ces tax rullings accordés par le pays à des multinationales pour qu’elles échappent aux impôts dans les pays où elles réalisent leurs bénéfices. Mais les fraudeurs ne seront pas assis dans le box des accusés. Ce sont ceux qui ont révélé la fraude : Antoine Deltour, le lanceur d’alerte à l’origine des fuites, et le journaliste français Édouard Perrin, qui le premier a révélé l’ampleur du scandale. Comme pour les «Panama Papers», le gouvernement serine que dans cette déplaisante affaire tout est légal. Traduction d’un monde qui marche sur la tête quand le droit crée de l’inégalité au lieu de servir la justice. Un raisonnement devenant difficile à motiver tant la loi s’oppose à la morale. Même les banquiers prennent conscience du risque que cette contradiction fait peser sur leurs affaires. La «morale» aurait même été évoquée par Pierre Gramegna, le ministre luxembourgeois des Finances, devant une commission parlementaire, mardi. Sans blague?

Évoquons quelques instants les cantines scolaires en France dont les tarifs ont enregistré ces derniers mois des hausses allant jusqu’à 75 %. Parmi les enfants issus des foyers les plus modestes, certains se contentent désormais de maigres casse-croûtes en lieu et place des repas de la cantine. Ces hausses ne sont pas fortuites, elles sont directement liées à la baisse des rentrées budgétaires, grevées par la prospère industrie de la fraude fiscale. Mais puisque la «morale» va l’emporter, nul doute que ces chers spécialistes de «l’optimisation fiscale» laisseront aux enfants privés de cantine quelques miettes de leurs agapes. Qu’ils ne prennent habituellement pas au McDo du coin. Bon appétit.

Fabien Grasser (fgrasser@lequotidien.lu)

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