C’était l’époque où tous les rêves semblaient permis, voire même possibles. La chute du Mur de Berlin, c’était la fin du rideau de fer. Le soulèvement de Berlin en juin 1953, l’insurrection de Budapest en novembre 1956 et le printemps de Prague en août 1968 avaient été réprimés dans des bains de sang. Le matin du 10 novembre 1989, l’Allemagne se réveillait incrédule : le Mur venait de tomber dans la nuit et des dizaines de milliers d’Allemands de l’Est passaient maintenant la frontière sans encombre et déboulaient à l’Ouest dans l’euphorie générale. «Das ist der Wahnsinn» («C’est fou»), pouvait-on entendre à chaque coin de rue. Sans portables ni réseaux sociaux, l’information se répandait «à l’ancienne» comme une traînée de poudre et pour vérifier, on se rendait sur place. Les passages de la frontière étaient bondés. Des gens qui ne s’étaient jamais vus auparavant tombaient dans les bras les uns des autres en s’embrassant et pas un coup de feu pour faire barrage aux masses et aux colonnes de «Trabi» qui déferlaient dans une ambiance de fête populaire qui emportait tout le monde sur son passage, même les douaniers.
Entre 1961 et 1988, ils sont environ 100 000 à avoir tenté le passage, plus de 600 y ont laissé leur vie, dont 140 à Berlin, le plus souvent sous les balles des soldats de l’armée de l’Allemagne de l’Est. Ce matin du 10 novembre, on se prenait à rêver à une Europe enfin pacifiée, à un monde juste et prospère, l’avenir ouvrait ses bras. Trente ans plus tard, on a presque l’impression de se réveiller en plein cauchemar. Pendant qu’on expose des bouts du Mur de Berlin un peu partout dans le monde pour les commémorations du souvenir, les murs sont restés en vogue comme en Corée, et même revenus à la mode, comme aux États-Unis. Pour rappeler à Donald Trump les 30 ans de la chute du Mur, une association allemande prévoit de lui délivrer un des derniers morceaux originaux de l’ouvrage : un clin d’œil de 2,7 tonnes qui sera remis devant la Maison-Blanche histoire de rappeler l’engagement des présidents Kennedy, Reagan et Bush pour faire tomber le Mur et lever le rideau de fer.
Chris Mathieu