En fait, c’est quoi le mot luxembourgeois pour pétition ?» Cette question lue sur les réseaux sociaux résume assez bien les limites du débat passionnel sur la revalorisation de la langue luxembourgeoise. La pétition, qui revendique que le poids de la langue nationale soit renforcé, avait largement dépassé hier soir le cap des 12 500 signatures. Du jamais vu! Mais même si cet engagement démocratique est à saluer, le succès de cette pétition pose aussi question. Et comme déjà en amont du référendum de 2015, la face cachée du pays refait une nouvelle fois surface.
Premier constat : même si cela n’était pas dans les intentions de l’auteur de la pétition, les commentaires racistes et discriminatoires ont rapidement fait leur apparition sur les réseaux sociaux. Tous les signataires ont-ils conscience de l’impact concret de la requête qu’ils soutiennent massivement? En tout cas, le repli nationaliste, qui se généralise dans une Europe en pleine crise existentielle, est à nouveau parfaitement visible. Et le débat sur le luxembourgeois constitue un vivier qui peut être exploité à merveille par les mouvements populistes, qui en fin de compte ne s’intéressent guère à l’avenir de la langue.
Ce débat mérite pourtant d’être mené en toute objectivité. Dans ce contexte, les critiques aveugles selon lesquelles le luxembourgeois est menacé par une «élite» ne font avancer en rien la réflexion. La question des élites ne se pose pas. C’est bien d’un renouveau de l’esprit critique que la société a besoin.
Le rejet soudain du français comme langue officielle est lui aussi difficile à expliquer. Faut-il rappeler que jusqu’en 1995, la langue véhiculaire à la Chambre, principale institution à représenter le peuple, était le français? Et personne ne semblait s’en inquiéter. Depuis lors, le luxembourgeois a démarré une opération de reconquête remarquable et on lui atteste aujourd’hui une très bonne santé. Où se situe donc le problème dans un pays dont une des forces a toujours été le multilinguisme? Les masques devront tomber au plus tard au moment du débat public sur cette pétition.
David Marques (dmarques@lequotidien.lu)