Comme pour toute autre denrée rare, le vaccin anti-Covid est réservé à ceux qui ont le porte-monnaie le mieux garni. Un décompte réalisé par la Duke University indique que les pays les plus riches ont mis la main sur 4,2 milliards des 7,7 milliards de doses commandées jusqu’au 30 janvier. Les pays à revenu faible ou moyen (Inde, Union africaine) doivent eux se contenter de, respectivement, 0,5 et 0,7 milliard de doses.
L’Union européenne se montre particulièrement gourmande avec une commande globale (options incluses) de 2,5 milliards de doses. Il est indéniable que le début de la campagne de vaccination ne correspond pas aux attentes (démesurées) d’une frange des États membres. L’Allemagne mène la fronde. «Trop peu, trop tard» est la critique qui revient le plus souvent. Il aurait été préférable de signer des options maximales avec tous les producteurs potentiels d’un vaccin. À l’automne, six laboratoires étaient en lice. Sachant que l’UE compte quelque 450 millions d’habitants et que certains vaccins nécessitent l’administration de deux doses, le calcul sommaire aurait été le suivant : s’assurer non pas 2,5 mais bien 6 milliards de doses du vaccin anti-Covid.
Cette option maximaliste aurait-elle permis aux États d’être livrés plus rapidement et en plus grande quantité? Rien n’est moins sûr. La seule commande de 1,16 milliard de doses auprès de BioNTech-Pfizer, Moderna et AstraZeneca, producteurs des trois seuls vaccins à avoir obtenu jusqu’à présent le feu vert de Bruxelles, suffirait à vacciner l’ensemble de la population de l’UE. Le problème n’est donc pas la quantité commandée, mais bien la capacité de production. Mercredi, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a admis avoir sous-estimé l’enjeu logistique.
Ces manquements ne doivent cependant pas faire oublier que les 27 figurent parmi la soixantaine de pays privilégiés qui ont pu lancer la vaccination. Comme cela a été évoqué hier à la Chambre par la députée Stéphanie Empain, la perspective d’une distribution équitable du vaccin est en danger. Un échec à ce niveau ne constituerait pas uniquement une «banqueroute sanitaire», mais aussi, pour reprendre les mots de l’élue déi gréng, une «banqueroute morale».
David Marques