L’Europe essaie de rendre ses frontières étanches. Enjeu de taille pour empêcher les migrants d’entrer sur son immense territoire au motif qu’elle n’a pas les moyens de les accueillir. Une posture qu’ont adoptée, ensemble, les États européens, sous couvert de crise et de courbe du chômage mal maîtrisée. Comme si l’intégration de migrants par milliers était une impossibilité mathématique. Comme si l’étranger pesait sur l’économie au lieu d’y participer. Étrange paradoxe d’une Europe libérale économiquement mais protectionniste en matière migratoire.
Car tout bon libéral aura le bon sens de reconnaître qu’un marché est d’autant plus riche qu’il est étendu. Et que plus les individus qui le composent sont nombreux, plus les débouchés sont vastes. L’Europe fait croire que le migrant est un danger, social, économique, politique. C’est oublier qu’il est, avant tout, un homme qui ressemble aux autres, qui a envie de réussir, de se développer et de consommer.
Au début des années 70, 120 000 Asiatiques sont arrivés en Europe, boat people sans noms, fuyant guerre du Vietnam et répression khmer rouge au Cambodge. Quarante ans plus tard, que sont-ils devenus? Ils se sont intégrés, ont ouvert des commerces, réussi des études, se sont fondus dans la société française. Ces 120 000 réfugiés participent depuis leur arrivée à la vie économique française, comme le font les migrants yougoslaves qui ont fui leur pays pour rejoindre l’Europe occidentale, comme le font ces migrants invisibles qui acceptent des emplois jugés indignes par les bons Européens.
Refuser de les accueillir, c’est aussi s’enfermer dans la certitude que parmi eux, point de prix Nobel, point de génie à même de changer le cours du monde, ou point de simples gens à même de participer à la communauté de destins qu’incarne l’idéal européen. Le capital humain est la seule richesse de nos sociétés. Le métisser, c’est le rendre plus fort. Le migrant n’est pas un danger, il est une chance. Alors, baissons le pont-levis de notre forteresse européenne.
Christophe Chohin