Si on me l’avait dit, je ne l’aurais pas cru. Dit quoi? Que depuis un an, nos vies ressembleraient à celles de personnages de romans d’anticipation. Non sans doute pas. Que depuis un an, nous portons des masques qui cachent nos sourires, que le moindre éternuement nous rend suspect et nous ramène au rang de tueur potentiel, que les aînés sont mis sous cloche et en souffrent, qu’une embrassade est dangereuse, que nos sentiments sont sur pause.
Depuis un an, la société avance au gré des annonces du gouvernement et des chiffres de l’épidémie. De semaine en semaine, de confinement en reconfinement, de couvre-feu en couvre-feu, de mutation du virus en mutation du virus… avec l’espoir d’un «rapide» retour à la normale ou si on créait un bouton «fastforward» pour zapper tout ça. «Beam me up, Scotty!» L’espoir fait vivre, paraît-il, et avec des «si», on mettrait Paris en bouteille. Les «si» forment un chapelet depuis un an et leurs prières n’ont toujours pas été exaucées. Quant à l’espérance, elle est le seul mal de la terre à ne pas être sorti de la boîte de Pandore. Trop lente, déjà à l’époque. Avec elle à nos côtés, on attend que la situation change, on croise nos doigts desquamés – entre deux coups de gel hydroalcoolique – pour ne pas tomber malade et refiler «cette saloperie» à nos proches.
Depuis un an, on fait des efforts, on supporte, on s’adapte. Depuis un an, on surfe entre les rumeurs, les fausses informations, les récupérations politiques et les avis d’experts au point, parfois, d’en avoir la nausée et de ne plus savoir quel cap suivre. Depuis un an, seuls les morts voient le bout d’un tunnel. Les vivants s’accrochent, se mettent au vélo, au yoga ou à la cuisine, adoptent un animal, se posent des questions existentielles face à leur existence ou à leur patrimoine chaque jour un peu plus érodés. Depuis un an, on apprend à vivre sans ce qu’on croyait essentiel. Il y a un an, on m’aurait dit cela, non, je ne l’aurais pas cru.
Sophie Kieffer