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Au bord du gouffre

Notre continent a déjà fait l’expérience de ce qui peut arriver lorsque des boucs émissaires sont créés, que la haine se propage, que les idées radicales de droite prennent le dessus et qu’en même temps les opposant.e.s ne se mobilisent pas avec assez de véhémence.» Cette mise en garde a été formulée, à quelques jours du 80e anniversaire de la libération du camp d’extermination d’Auschwitz, par huit élus et militants politiques luxembourgeois, membres de déi gréng, du DP, du LSAP et du CSV.

Les atrocités commises par le régime nazi contre la population juive – ils sont plus de six millions à avoir péri dans l’Holocauste – sont toujours aussi difficilement imaginables que supportables. Pourtant, ce chapitre noir de l’histoire de l’humanité ne semble pas avoir été suffisant pour éradiquer l’antisémitisme ou pour éviter la remontée de l’extrême droite. Une extrême droite pour laquelle les migrants sont les nouveaux boucs émissaires. La «remigration», soit l’expulsion massive d’étrangers, est aujourd’hui plébiscitée par l’AfD en Allemagne, créditée de 20 % dans les sondages, ainsi que par le FPÖ, qui s’apprête à prendre le pouvoir en Autriche. Son leader, Herbert Kickl, aimerait se faire appeler «Volkskanzler» («chancelier du peuple»), comme Adolf Hitler.

La liste des partis qui, en propageant la haine, gagnent en popularité s’allonge. Le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche risque d’accélérer encore le mouvement. Le président américain ne cache plus ses ambitions. Il compte également procéder à des expulsions massives. Désormais, il milite pour déplacer les Gazaouis vers l’Égypte et la Jordanie afin de «faire le ménage» dans le territoire. Sans oublier ses menaces de conquérir, si besoin par la force, le Groenland, le canal de Panama et le Canada. À Moscou, Vladimir Poutine doit se sentir confirmé dans son choix d’avoir envahi l’Ukraine, un premier pas pour reformer l’Empire soviétique d’antan.

Le monde se retrouve au bord du gouffre, 80 ans après la libération d’Auschwitz. Au fil des commémorations, les appels à ne pas oublier se multiplient. Un important travail de mémoire est effectué avec les jeunes générations. Des briques qui sont toutefois insuffisantes pour renforcer la forteresse protégeant la tolérance, la fraternité et la démocratie.