Accueil | Editoriaux | Au bal des idées reçues

Au bal des idées reçues

Alors que le sujet des violences faites aux femmes est plus présent que jamais dans l’espace public, les médias ou à la machine à café, il y en a encore au Luxembourg pour penser que ces faits appartiennent à un autre âge. Ces mêmes qui s’étonnent que les six foyers pour femmes en détresse que compte le pays refusent régulièrement des pensionnaires, faute de place.

Soyons clairs. Non seulement ces violences commises dans l’intimité ne baissent pas, mais au contraire, elles augmentent : le ministère de l’Égalité entre les femmes et les hommes a répertorié 1 337 victimes en 2019 contre 1 089 en 2018. On parle ici de coups et blessures avec ou sans incapacité de travail, menaces de mort, parfois avec arme, et dans les cas les plus graves, de meurtre. Trois en 2019.

Il y a aussi ce vieux mythe qui voudrait que les hommes violents – l’homme est l’agresseur dans 68% des cas au Luxembourg – soient forcément des étrangers et que «ces choses-là» ne touchent que les bas-fonds de la société. Là encore, c’est faux : les chiffres des services sociaux montrent que les violences conjugales concernent les foyers luxembourgeois (près d’un tiers des cas) comme les autres, ainsi que tous les milieux sociaux (plus de 65% des victimes sont des salariés, retraités ou travailleurs indépendants).

Et puis d’ailleurs, si une femme se fait frapper, elle n’a qu’à partir ! Ces mots, qui inversent la culpabilité, font d’autant plus mal qu’ils sont souvent prononcés par des femmes. C’est sous-estimer le pouvoir de l’emprise psychologique, qui empêche la victime de se voir comme telle. Et par ailleurs, comme l’explique Sara (lire notre dossier du 17 avril), la présence d’enfants et la culpabilité de briser la famille rendent les choses compliquées.

On pourrait croire que les nouvelles générations de jeunes filles sont plus informées sur ces sujets, voire engagées, et donc plus vigilantes que leurs aînées, mais il n’en est rien. Les associations qui interviennent dans les lycées du pays font face à des adolescentes avec un seuil de tolérance très élevé : il n’est pas rare de devoir leur expliquer pourquoi leur amoureux n’a pas à consulter le contenu de leur téléphone, et comment cela peut nourrir un rapport de domination dangereux.

Christelle Brucker