Il n’est rien de plus lassant que cette langue de bois qui est devenue la norme d’un monde où l’ultra-communication a débouché sur une nouvelle forme de censure. À force d’être scrutées toute la journée, sur les réseaux sociaux ou par les caméras de télévision, les personnalités publiques ont appris, avec leurs armées de conseillers, à lisser un discours qui a perdu son sens.
Le dernier exemple est le bilan de la présidence luxembourgeoise du Conseil de l’Union européenne. Cette présidence est devenue, au fil des années, une vaste mission de secrétariat, où le pays hôte a pour mission principale d’organiser réunions et symposiums entre ministres. Ce n’est pas passionnant, souvent extrêmement technique, quoique nécessaire. Les pays se succèdent tous les six mois, dans l’indifférence générale, pour mettre de l’huile dans la grande machinerie européenne.
Dans ce rôle, le gouvernement luxembourgeois a été un bon petit soldat, avant de passer le relais aux Pays-Bas qui, soyons-en sûrs, organiseront aussi des réunions réussies, avec des bouteilles d’eau pour chaque invité, voire des stylos aux couleurs nationales. Non contents de présider, ces pays se félicitent ensuite du travail accompli, un autre passage obligé.
Mardi, le Premier ministre Xavier Bettel était devant le Parlement européen pour y présenter le bilan de la présidence, soporifique moment devant une assemblée endormie. C’est cet instant que choisissait la Française Marine Le Pen pour s’en prendre au Luxembourg et à ses pratiques fiscales. On aurait presque envie de lui dire merci.
Car c’est dans ces instants que l’on se souvient que nos élus ne sont pas seulement des robots dans les mains de conseillers en communication. À Strasbourg, Xavier Bettel a rappelé, en quelques phrases vives et dans une répartie pleine d’esprit, qu’il était aussi un animal politique, de ceux qui aiment les duels dans l’arène.
Et ce sont ces animaux politiques qui font vivre le débat public, pas leurs ombres téléguidées.
Christophe Chohin (cchohin@lequotidien.lu)