« Goûte, tu vas voir », m’encourage le cuistot du dimanche.
Bizarre de s’exciter autant pour un steak haché, surtout lors d’un barbecue. Mais ne faisons pas la fine bouche, il se fait faim. Et là, surprise dans l’assiette. La viande ne se transforme pas en semelle ou en fontaine de sang au premier coup de fourchette. «Parce que c’est un petit boucher du coin», nous explique ce Vosgien. La facture a dû être salée ! «Non, c’est moins cher qu’en supermarché, il a un élevage et il fait de la vente directe.»
En ce – rare – beau dimanche estival, on redécouvre tout bêtement les vertus des circuits courts. Cela peut paraître banal, mais manger bon et local, pour un prix raisonnable, n’est pas une équation évidente. Ni récente. C’est le résultat d’une lente saignée appelée «exode rural». Car les paysans qui se sont lancés dans l’aventure du «court» se sont vite retrouvés marginalisés, face aux promesses d’un mastodonte : l’agriculture conventionnelle.
Mais le vent tourne. Beaucoup de gros exploitants agricoles sont dans le rouge, étranglés par les dettes, addicts aux subventions, ballottés au gré des cours des matières premières. Tandis que l’on voit apparaître des petites fermes qui ne se contentent pas de survivre. Une étude de l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) de Montpellier montrait récemment qu’une petite ferme en circuits courts peut dégager des revenus supérieurs à ceux d’une grosse. Comment? En s’endettant peu, en économisant de coûteux intermédiaires grâce à la vente directe, en produisant à la demande, en privilégiant la polyculture, en innovant avec les réseaux sociaux…
Le Luxembourg, lui, de par sa petite taille et son développement, a un potentiel sous-exploité. Tom Kass, gérant d’une ferme biodynamique à Rollingen, plaidait l’été dernier dans nos colonnes : «Au Luxembourg, les fermiers se sont tous dirigés vers un modèle dont ils ne peuvent pas sortir. Certains, avec 200 vaches, pensent être de grands producteurs, mais en Pologne, il y a des fermes de 1 000 vaches. Ils veulent se mettre sur le même niveau que le marché mondial. C’est idiot! Vu qu’on ne peut pas faire de la quantité, faisons de la qualité.» À bon entendeur, semez !
Romain Van Dyck (rvandyck@lequotidien.lu)