La photo a fait le tour du monde en quelques heures : celle du cadavre d’un petit garçon, un tout petit bonhomme, Aylan, 3 ans, échoué sur une plage turque, noyé quand le bateau qui l’amenait clandestinement vers l’île grecque de Kos a fait naufrage. Syriens et Irakiens fuient par centaines de milliers le chaos, les destructions et les morts de la guerre.
Face au drame, l’Union européenne n’a de réponse que d’interminables discussions sur la protection des frontières, les quotas, se demandant encore s’il faut parler de migrants ou de réfugiés. Seule l’Allemagne semble à la hauteur du défi humanitaire que cette crise pose avant tout à nos consciences. La réunion des ministres des Affaires étrangères se tenant aujourd’hui et demain à Luxembourg sera suivie d’un sommet des chefs d’État ou de gouvernement, le 14 septembre, à Bruxelles, afin de trouver une solution qui émergera peut-être lors d’un sommet suivant, ou peut-être jamais.
D’aucuns jugent qu’il faut trouver le bon équilibre entre l’urgence et ce qui serait acceptable pour des électeurs alléchés par l’extrême droite. Ils ont tort de bafouer ainsi les valeurs de solidarité qu’ils prônent à tout bout de champ en se laissant dicter leur action par les néo-Führer de tous bords. Les faits aussi leur donnent tort : l’on a vu ces derniers jours la fraternité l’emporter sur l’indifférence. En Allemagne, les trains de réfugiés sont accueillis par des anonymes brandissant des panneaux «Willkommen». Mardi, la police de Munich lançait un appel afin que la population cesse les dons qu’elle n’arrivait plus à gérer. En Islande, 10 000 personnes se disent prêtes à accueillir à leur domicile des familles de réfugiés. Quelles émouvantes leçons d’humanité.
Ces sentiments effleurent-ils seulement nos dirigeants, tout à leurs calculs cyniques qu’ils opposent à l’urgence humanitaire. L’on ne barre pas la porte d’une maison en feu aux occupants qui tentent de s’en extirper. Il n’est plus temps d’attendre le sommet du 14 septembre. Il n’est même plus temps d’attendre demain, car d’autres enfants se noieront en Méditerranée. Il faut agir aujourd’hui.
Fabien Grasser
Sacré Fabien,
Je vous imagine dans votre fauteuil en cuir de rédac’ chef, rue du Canal, avec un grand sourire d’autosatisfaction (et éventuellement un cigare pour fêter ça) aux lèvres…
« Bon sang, quel p….. de bon édito, je n’en reviens pas, je viens de réveiller la conscience du monde ! Enfin…celle du Grand-Duché, ben disons plutôt celle des lecteurs du Quotidien 🙂 ; allez, soit, les lecteurs du Quotidien qui lisent mes éditos :-)). Mais quelle originalité ! Comme je me démarque des éditos des autres canards en ce jour historique.
« Allez : « Agissez aujourd’hui », fallait oser le dire non ? (j’ai pas dit « Agissons aujourd’hui » – restons prudents – mais « Agissez », vous saisissez la nuance ? Je suis vraiment trop bon… et cela à peine revenu de vacances 😉 ».
« On va me canoniser…enfin au moins béatifier même si j’en ai rien à foutre ; ben je préfèrerais le Pulitzer et je peux raisonnablement rêver du Nobel de la Paix non ? »
Quelle revanche effectivement pour un mec qui était au bord du suicide le soir du référendum à Luxembourg alors que tout le monde s’en foutait.
Allez Fabien, votre édito enfonce des portes ouvertes et le monde ne vous a pas attendu pour agir.
Vous faites bien de citer les pays qui se mouillent dans ce contexte (Allemagne, Islande) mais vous avez tort de considérer que les gens qui s’inquiètent de cette marée sont forcément des néo-Führers.
Ce que vous semblez ignorer, c’est que l’extrême droite en Allemagne est complètement marginalisée et n’a pas pignon sur rue – contrairement au FN en France, par exemple. Aucun risque de raz-de-marée en cas d’élection : ces partis en Allemagne sont à la limite de l’interdiction pure et simple.
Mais entre les néo-nazis marginalisés et les braves gens qui apportent des ours en peluche aux réfugiés à la gare de Munich, il y a une majorité d’Allemands (87% selon les sondages) qui s’inquiètent de cette marée humaine incontrôlée et qui désapprouvent l’action du gouvernement. Mais ils n’ont plus droit au chapitre ni à la parole. En Allemagne, les médias officiels, comme les chaînes ARD et ZDF (même Bild qui jusqu’ici semblait bénéficier d’une certaine indépendance) ne diffusent plus la moindre réaction des gens « inquiets ». Tout est systématiquement filtré, censuré. Et lorsqu’un « inquiet » pourtant modéré apparaît dans un talk-show, on le démolit systématiquement en le qualifiant de raciste, néo-nazi ou les deux. C’est ça la réalité.
On en arrive à une situation où même si les pays européens se mettent d’accord sur un partage équitable de l’effort, les réfugiés vont continuer à vouloir rejoindre l’Allemagne tellement la « package » d’accueil est alléchant. Où on va ? L’avenir le dira.
Et la photo de ce p’tit gars Syrien échoué sur la plage. Une horreur qui nous touche tous mais une bénédiction, une aubaine pour les réfugiés et ceux qui veulent « baisser le pont levis ».
Non, Fabien, le monde n’a pas attendu votre édito pour agir. Pas assez peut-être mais certains font ce qu’ils peuvent alors que des pays comme la France attendent – comme vous – et s’en remettent à L’UE.
Alors, dormez sur vos deux oreilles et laissez surtout bien agir les autres.
Encore bravo pour cet édito original et décoiffant.