Une mamie chaudement emmitouflée sort une petite main ridée de sa poche. À l’intérieur, elle a soigneusement plié un billet de 10 euros pour le rendre le plus discret possible et le glisser avec un sourire malicieux dans le creux de la main d’une des figures de la mendicité de la capitale depuis 30 ans. L’échange est scellé en un regard complice. Une voisine a réuni plus de 1 000 euros pour offrir des nuits au chaud pendant les fêtes au sans-abri de son quartier.
La mendicité est interdite, mais pas la solidarité, la générosité et le libre arbitre des citoyens qui choisissent de soutenir les membres les plus faibles de notre société. Tant que nous vivrons en démocratie, aucune loi ne les en privera.
Et si les conséquences de cette interdiction tant décriée étaient un formidable coup de projecteur sur ces hommes et ces femmes, abolissaient cette barrière de peur entre nous et eux, encourageaient les contacts et les initiatives plutôt que d’ostraciser certains davantage ? Il n’est pas question de se substituer aux associations, d’être naïf ou d’encourager quoi que ce soit, mais juste d’être humain ou chrétien envers des personnes que leur parcours a placées au ban de la société, exposées au dédain et à la suspicion d’autoproclamés «gens bien». Je préfère voir le verre à moitié plein et espérer que cette loi aura du bon. Qu’elle sensibilisera à leur sort à long terme et pas uniquement le temps que durera le buzz autour d’un ministre zélé.
Les clochards, célestes ou pas, ne doivent non plus devenir des animaux de foire à la mode cet hiver avec lesquels on s’affiche pour marquer des points. Et non, ils ne sont pas tous alcooliques, drogués et puants. Ils sont fêlés dans tous les sens du terme. Des champions de la résilience, des Liewenskënschtler qui, comme nous, ont leurs petits arrangements avec la réalité. Certains sont attachants, plus grands et vrais que nature et quand ils disparaissent du paysage, on espère que c’est pour mieux rebondir dans un ailleurs plus douillet. Donnez, je ne sais pas si Dieu vous le rendra, mais Jean, Zoltan, Dave, Mike, Michelle et tous les autres essayent, selon le 11e commandement, de ne pas se faire gauler.