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À visages découverts

La mise en ligne, lundi soir, d’une partie des documents des Panama Papers par le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) a permis de confirmer la triste dérive de la finance internationale, à défaut de lever le voile sur le patronyme «the bearer», plus connu en français sous le nom de «au porteur», qui permet de cacher l’identité de nombreux évadés fiscaux.

Dans cette liste non exhaustive, davantage destinée à éveiller les soupçons des administrations fiscales qu’à dévoiler l’identité de personnalités, il suffit de choisir le Luxembourg pour voir apparaître une centaine de noms, au rang desquels de nombreux avocats d’affaires et autres responsables de sociétés de placements. À visages découverts, ils pratiquent, ici comme ailleurs, l’évasion fiscale, vers le Panama, les îles Vierges et autres destinations exotiques.

Les Panama Papers sont à ce titre un intéressant reflet de cette société qui vénère le veau d’or. De tous ceux qui ont intégré que l’évasion fiscale, ou l’optimisation comme ils la présentent, est un objectif comme un autre, une banalité qui permet d’échapper à l’impôt, cette monstrueuse invention.

À force de confronter la légalité à la moralité, les Panama Papers démontrent que cette dernière n’a plus de poids. La loi ne sert plus qu’à poser une limite que certains avocats d’affaires se sont amusés à titiller pour le bon plaisir de leurs clients. Et leur compte en banque. Sans se cacher car, en effet, leurs montages financiers étaient souvent légaux, même s’ils servaient des intérêts beaucoup moins légitimes.

Échapper à l’impôt est devenu un sport mondial, de ces sports qui profitent à quelques-uns et mettent à mal le contrat social, cette idée saugrenue qui lie les membres d’une même société vers un intérêt général. Contrat social, intérêt général… autant de concepts qui n’ont plus leur place dans l’esprit de ceux qui ont fait de leur égoïsme un mode de vie.

Et tant pis pour les pauvres gens qui subissent, année après année, les restrictions budgétaires d’États européens à bout de souffle. L’ordre et la morale ne sont que des obstacles, pour certains.

Christophe Chohin (cchohin@lequotidien.lu)