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Une stratégie qui commence enfin à payer pour Amazon ?


Bénéfice inespéré pour le groupe Amazon au premier trimestre 2015 (Photo AFP)

Un bénéfice trimestriel inespéré a propulsé vendredi l’action Amazon à un record historique, une réaction pouvant sembler disproportionnée mais liée à la stratégie menée depuis des années par le groupe, qui semble enfin payer.

Le titre du géant américain du commerce en ligne s’envolait de 11,39% à 537,08 dollars vers 17H50 GMT. C’est la première fois qu’il dépasse les 500 dollars, et il se paye en outre le luxe d’ainsi dépasser la valorisation du géant mondial de la distribution Wal-Mart, à 250 milliards de dollars contre 231 milliards.

La raison de cette euphorie? Un petit bénéfice net de 92 millions de dollars, quand le marché attendait une perte.

Eu égard au chiffre d’affaires de 23,18 milliards de dollars, cela reste «un autre trimestre de faible rentabilité», indique Sucharita Mulpuru, spécialiste du commerce en ligne pour le cabinet de recherche Forrester. «Je ne sais pas trop pourquoi c’est une raison de faire la fête pour les investisseurs. Cela ne change pas vraiment l’histoire d’Amazon comme une entreprise tout juste rentable.»

C’est quand même une marge d’exploitation «inédite depuis 2010, quand le chiffre d’affaires avait un tiers de sa taille actuelle», relève Morgan Stanley dans une note.

Enfin le retour sur investissement ?

L’entreprise a beau avoir vingt ans passés, son patron-fondateur Jeff Bezos continue en effet de la diriger un peu comme une startup, en investissant énormément pour gagner des marchés censés garantir sa croissance future: de simple libraire en ligne, Amazon est devenu un magasin où on trouve presque tout, il s’est aussi lancé dans les services, la fabrication d’appareils électroniques avec notamment la gamme Kindle, la vidéo et la musique en ligne…

Des paris parfois gagnants mais souvent coûteux. Jeff Bezos avait lui-même reconnu en décembre avoir essuyé «des échecs qui ont coûté des milliards de dollars».

Wall Street lui a longtemps accordé le bénéfice du doute, mais l’action a quand même connu des hauts et des bas, surtout l’an passé après une incursion ratée dans les smartphones, le site d’analyse 247Wallst.com comparant même ironiquement à l’époque Amazon à «un genre d’organisme caritatif plutôt qu’une entreprise qui gagne de l’argent avec ses millions de clients».

«Amazon embête les analystes de Wall Street depuis des années, parce que même si la croissance du chiffre d’affaires est très bonne, fondamentalement tout l’argent repart dans des investissements, et presque rien ne revient en bénéfices», explique Roger Kay, analyste chez Endpoint Technologies Associates. «Ils craignaient que l’entreprise n’ait en fait jamais de bénéfice, et qu’elle continue à réinvestir et grossir.»

Aux yeux de beaucoup d’analystes financiers, Amazon a justement montré le contraire avec les résultats publiés jeudi soir.

Une note de Cantor Fitzgerald assure ainsi vendredi «qu’Amazon commence maintenant à s’éloigner des années de lourde construction pour ses activités d’e-commerce», et va enfin avoir des marges bénéficiaires. «Après des années d’interrogations sur la rationalité des investissements, Amazon recueille les fruits de ses efforts», renchérit la Deutsche Bank.

Un nouveau pilier plus rentable

Même si le marché réagit parfois avec une certaine «irrationalité», l’enthousiasme cette fois a surtout «à voir avec la source du bénéfice», à savoir la division de services en ligne et d’hébergement de sites tiers dans ses centres de données (AWS), où Amazon a lourdement investi, avance Roger Kay.

A côté de son coeur de métier, le commerce, qui nécessite d’énormes volumes pour de faibles marges, Amazon «a aussi cette autre activité qui consiste à prendre son infrastructure et à la mettre à disposition d’autres entreprises comme un service. C’est une idée intéressante, et c’est plus rentable», fait-il valoir. «Personne ne s’y attendait vraiment, mais ce qui était une activité annexe est en train de devenir une activité principale.»

AWS a vu son chiffre d’affaires bondir de 81% à 1,8 milliard de dollars ce trimestre, avec une marge opérationnelle de 21,4%. Et ses perspectives semblent d’autant plus prometteuses que les entreprises se convertissent de plus en plus aux services dématérialisés en ligne, qui leur évitent d’utiliser leurs propres centres de données, juge l’analyste: «Amazon est en très bonne position.»

AFP